les bilingues

Découvrez des poèmes en version bilingue. Une bonne manière de découvrir la poésie ET les langues, particulièrement dans les apprentissages à l’école, au collège et aux lycées.

Article mis en ligne le 1er janvier 2016
dernière modification le 23 décembre 2019

par Alain BOUDET
français <> espagnol français <> allemand français <> anglais


La era

Mi padre y yo dormimos
en la era, y la paja
nos es lecho de estrellas. Se sienten
las culebras cruzar toda la noche
los haces de cebada, y ratas como gatos
nos roban en el trigo. Me estremezco
y no grito, porque mi padre ronca
bebiéndose la luna, y en el aire
cantan grillos de arena.


 Juana Castro (Del color de los ríos)

L’aire

Mon père et moi dormons
sur l’aire, et la paille
nous fait un lit d’étoiles. On sent
les couleuvres traverser toute la nuit
les bottes d’orge, et des rats comme des chats
nous voler (volent ?) dans le blé. Je tremble
et ne crie pas, car mon père ronfle
buvant la lune, et dans l’air
chantent des grillons de sable.

Pratique ancienne : après la moisson, sur l’aire, on faisait la « trilla » ou battage pour séparer le grain de la paille.

Traduction Dany Fontaine

Agacharse

Sentir el peso cálido.
Girar
previsora la vista, y saber
que no hay nadie.
Agacharse. Enrollar
el vestido, dejar en las rodillas
la mínima blancura
de la tela, su felpa
y el fruncido que abraza
la cintura y las ingles.

Mojar
con el chorro dorado,
tibio y dulce la tierra
tan reseca de agosto, el desamparo
sutil de las hormigas en la hollada
palidez de los henos.

Mezclar
su fragancia espumosa con el verde
vapor denso de mayo, sus alados
murmullos, la espantada
carrera de los grillos.

Y en invierno, elevar
un aliento de nube
caldeada, aspirando el helor
de hoja fría del aire.

Orinar
era un rito pequeño
de dulzura
en el campo.

Juana Campo (Fisterra)

S’accroupir

Sentir son poids chaud.
Se tourner
prévoyante la vue, et savoir
qu’il n’y a personne.
S’accroupir. Enrouler
sa robe, laisser sur les genoux
la toute petite blancheur
de la toile, sa peluche
Et la fronce qui embrasse
la taille et l’aine

Mouiller
d’un jet doré,
tiède et doux, la terre
d’août si sèche, la détresse
subtile des fourmis dans la pâleur
piétinée des foins.

Mêler
son parfum mousseux avec la verte
et dense vapeur de mai, ses légers
murmures, la course
effrayée des grillons.

Et en hiver, élever
un souffle de nuage
réchauffé, aspirant la brise
de la feuille froide de l’air.

Uriner
était un petit rite
de douceur
dans la campagne.

Traduction Dany Fontaine

 


Si mi voz muriera en tierra,
Llevadla al nivel del mar
Y dejadla en la ribera.

Llevadla al nivel del mar
Y nombradla capitana
De un blanco bajel de guerra.


¡ Oh mi voz condecorada
Con la insignia marinera :
Sobre el corazón una ancla
Y sobre la ancla una estrella
Y sobre la estrella el viento
Y sobre el viento la vela !

Rafael Alberti



Si ma voix meurt à terre
portez-la au niveau de la mer
et laissez-la sur le rivage


Portez-la au niveau de la mer
et nommez la capitaine
d’un blanc bateau de guerre

Oh ma voix décorée
d’un insigne maritime :
Sur le cœur une ancre
sur l’ancre une étoile
et sur l’étoile le vent 
et sur le vent la voile !

Traduction de Jean-Michel Maulpoix

Una fiesta se hace con tres personas : uno baila,
otro canta,
y el otro toca.
Ya me olvidaba de los que dicen Ole ! y tocan las palmas.

Manuel Machado
Une fête se fait avec trois personnes
L’un danse,
L’autre chante,
Et l’autre joue.
J’oubliais ceux qui disent « Ole ! » et tapent dans les mains.

Traduction de Dany Fontaine

Le petit pêcheur de solitude

Caché sous le chapeau
de jardinier de ton grand-père,
tu pêches depuis l’aube.
Le grand calme de la rivière
berce ton rêve de poisson.
Le bouchon file doucement.
Filent aussi les heures,
le vide temps de la journée.
Tu ne sais plus, baigné
dans l’absence des choses,
si tu es venu pour pêcher,
ou seulement pour être seul,
dans le grand calme de la rivière…

Claude Cailleau
© Le Pré de la Roche

El Pescadorcito de Soledad

Oculto bajo el sombrero
de jardinero de tu abuelo,
pescas desde el amanecer.
La mucha calma del río
mece tus ensueños de pez.
Río abajo el sedal se va despacio.
Se van también las horas,
el tiempo hueco del día.
Ya no sabes, bañado
en la ausencia de las cosas,
si has venido a pescar,
o sólo a estar solo
en la mucha calma del río...

Traduction de François Beaugey

Petit matin


Réveillé. Comment ne pas l’être avec ce tapage, ce chahut
d’oiseaux, enfants de l’aube,
qui changent le ramage en joyeux tintamarre de lumière ?
La frondaison du grand ficus est devenue folle de trilles.
On dirait que c’est l’arbre feuillu, avec ses milliers d’ailes vertes,
qui va se mettre à voler.
J’entends la voix de ce végétal géant
sortir des racines, secouer les branches, répandre dans l’air des
ondes de joie.
Symphonie ailée qui rend le ciel plus vaste et plus sonore.
Me serais-je réveillé d’un rêve pour entrer dans un autre ?

Traduction de Nicole Laurent-Catrice

Amanecer

Desperté. ¿ Cómo no hacerlo con este alboroto, con este estrépito
de pájaros, hijos del alba,
que convierten el gorjeo en estruendosa alegría de luz ?
La copa del gran ficus ha enloquecido de trinos.
Parece que sea el árbol frondoso, con sus mil alas verdes, el que
va a echarse a volar.
Oigo la voz de este gigante vegetal
salir de las raíces, sacudir sus ramas, ondear en el aire su alegría.
Alada sinfonía que hace más amplio y más sonoro el cielo.
¿ Habré despertado de un sueño para entrar a otro ?

© Alejandro Duque Amusco

Dans la mansarde

Cachée et protégée la bicyclette dort avec la rouille de ses
nombreux hivers.
Là elle résiste, fidèle, dans la pénombre, soigneusement
conservée avec les autres outils.
Elle avait un léger défaut, qu’à l’été suivant il fallait réparer avant
tout.
Quel bonheur de voler, courir avec elle, enfant léger sur les
pédales, vers les jardins aux grenadiers de feu, sur le chemin de
la fontaine...!
Elle reste dans la mansarde,
avec son allure de spectre, déglinguée et vieille.
Elle attend un enfant qui n’est pas revenu.
Un été long et froid les sépare.

Traduction de Nicole Laurent-Catrice

En la buhardilla

Tapada y protegida, en un rincón, la bicicleta duerme con la
herrumbre de sus muchos inviernos.
Allí resiste, fiel, en la penumbra, cuidadosamente guardada con
los demás enseres.
Tenía un ligero desperfecto, que al verano siguiente habría que
arreglar antes de nada.
¡ Qué bien volar, correr con ella, niño ligero sobre sus pedales,
hacia los huertos de encendidos granados, camino de la fuente...!
En la buhardilla sigue,
con su espectral estampa, destartalada y vieja.
Espera a un niño que no ha vuelto.
Un largo y frío verano los separa.

© Alejandro Duque Amusco

 La guitare

Commence le pleur
De la guitare.
De la prime aube
Les coupes se brisent.
Commence le pleur
De la guitare.
Il est inutile de la faire taire.
Il est impossible
De la faire taire.
C’est un pleur monotone,
Comme le pleur de l’eau,
Comme le pleur du vent
Sur la neige tombée.
Il est impossible
De la faire taire.
Elle pleure sur des choses
Lointaines.
Sable du Sud brûlant
Qui veut de blancs camélias.
Elle pleure la flèche sans but,
Le soir sans lendemain,
Et le premier oiseau mort
Sur la branche.
Ô guitare !
Ô coeur à mort blessé
Par cinq épées.

Traduit de l’espagnol par Pierre Darmangeat, in Anthologie bilingue de la poésie espagnole, Editions Gallimard (La Pléiade), 1995

La guitarra

Empieza el llanto
De la guitarra.
Se rompen las copas
De la madrugada.
Empieza el llanto
De la guitarra.
Es inútil callarla.
Es imposibile
Callarla.
Llora monótona
Como llora el agua,
Como llora el viento
Sobre la nevada.
Es imposibile
Callarla.
Llora por cosas
Lejanas.
Arena del Sur caliente
Que pide camelias blancas.
Llora flecha sin blanco,
La tarde sin mañana,
Y el primer pájaro muerto
Sobre la rama.
¡ Oh guitarra !
Corazón malherido
Por cinco espadas.

Federico Garcia Lorca - Poema de la siguiriya gitana, in Poema del cante jondo, 1921

Tu contemples
Le vent qui lève
Une île sans rivière
Une barque de feuilles.

Tu te choisis des mains
De lune ou de soleil.

Tu sépares
L’eau du ciel.
Tu fais des pas
A franchir les planètes.
Tu effaces
Le gris du monde.


Jacqueline Held

Tú contemplas
el viento que se levanta
una isla sin río
una barca de hojas.

Tu escoges unas manos
de luna o de sol

Tú separas
el agua del cielo
Tú das pasos
que salvan los planetas
Tú borras
lo gris del mundo

Traduction de François Beaugey

Voltiger
C’est marcher dans l’herbe
Sans écraser un seul brin
C’est plus facile d’être oiseau
Mais quelle prison
Ce ciel uniquement.

Véronique Wautier
douce la densité du bleu
l’arbre à paroles 2002

Revolotear
Es andar en la hierba
Sin aplastar ni una brizna
Es más fácil ser pájaro
Pero qué cárcel
Este cielo únicamente.

Traduction de Dany Fontaine

Pour atteindre l’ombre
Il me suffit d’un arbre

Pour approuver le vent
Il me suffit d’une herbe

D’un souvenir
Pour que le ciel s’éclaire

De ton regard
Pour donner sens au monde.

Hélène Cadou
Retour à l’été - Maison de poésie, 1993

Para alcanzar la sombra
Sólo necesito un árbol

Para aprobar el viento
Sólo necesito una hierba

Sólo un recuerdo
Para que el cielo se ilumine

Sólo tu mirada
Para dar sentido al mundo

Vuelta al verano
Traducido por Dany Fontaine

Découvrir des poètes espagnols :
Clara Janès
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Roberto Cabrera


 

…sur sa tête
une ombre repose
et sur l’ombre
une pierre
et sur la pierre
une ombre…

Ernst Meister
Espace sans paroi
© Atelier La Feugraie

…auf dessen Kopf
ein Schatten liegt
und auf dem Schatten
ein Stein
und auf dem Stein
ein Schatten…

Ernst Meister
Espace sans paroi
© Atelier La Feugraie


De très loin
Un village nous sourit

Il pense à l’été
et la
neige lui parle.

Il pense à la nuit
et l’aube déjà
murmure à son oreille.

Il vit très haut
avec des branches et des paroles
que parfois on oublie.

Christian da Silva
La fête de la vie - © Éditions En Forêt

 

 
Von sehr weit her
lächelt ein Dorf uns zu.

Es denkt an der Winter
und der Schnee spricht zu ihm.

Es denkt an die Nacht
uns schon flüstert
die Morgendämmerung ihm ins Ohr.

Es lebt hoch oben
mit Zweigen und Worten
die man zuweilen vergißt.

Christian da Silva
Das Fest des Leben - © Verlag im Wald


Beau Mauvais
Le temps c’est la musique
qui accompagne
la ronde de la terre

Jacques Canut
La fête de la vie - © Éditions En Forêt


Schön Schlecht
Das Wetter ist die Musik
die den Tanz
der Erde begleitet

Jacques Canut
Das Fest des Leben - © Verlag im Wald


Un mot-clef
Pour ouvrir
La porte

Il n’y a pas de porte

Un mot
Mais
Pas de porte

Pas un mur

Pas une fenêtre
Pour le ciel

Tout
est partout

Ni dedans
Ni dehors

Ici
Béance bleue.

Hélène Cadou
La fête de la vie - © Éditions En Forêt


Ein Schlusselwort
Zum Öffnen
Der Tür

Das ist keine Tür

Ein Wort
Aber
Keine Tür

Keine Wand

Kein Fenster
Für den Himmel

Alles
Ist überall

Weder drinnen
Noch draußen

Hier
Blaues Klaffen.

Hélène Cadou
Das Fest des Leben - © Verlag im Wald

 

Silberdistel


Sich zurückhalten
an der Erde

Keinen Schatten werfen
auf andere

Im Schalten der anderen
leuchten.

Reiner Kunze
in "Un jour sur cette terre"
© Cheyne éditeur (bilingue)

 

Chardon argenté


S’en tenir
à la terre

Ne pas jeter d’ombre
sur les autres

Être dans l’ombre des autres
une clarté.

Reiner Kunze
Traduction de Mireille Gansel

Bibliothek


die vielen Buchstaben
die nicht aus ihren Wörten können

die vielen Wörter
die nicht aus ihren Sätzen können

die vielen Sätze
die nicht aus ihren Texten können

die vielen Texte
die nicht ihren Büchern können

die vielen Bücher
mit dem vielen Staub darauf

die gute Putzfrau
mit dem Staubwedel

Ernst Jandl
© éditions Gallimard - anthologie bilingue de la poésie allemande (La Pléiade, 1993)
 

Bibliothèque


toutes ces lettres
qui ne peuvent pa sortir de leurs mots

tous ces mots
qui ne peuvent pa sortir de leurs phrases

toutes ces phrases
qui ne peuvent pa sortir de leurs textes

tous ces textes
qui ne peuvent pa sortir de leurs livres

tous ces livres
avec toute cette poussière dessus

la brave femme de ménage
avec son plumeau

© Ernst Jandl

Kinderlied


Es brauchen die Kinder Ruhe
Und brauchen keine Schlachten.
Es nützen ihnen Schuhe
Und Bilder zum Betrachten.

Auf den Bildern soll nicht sein,
Daß eines Menschen Blut verrint.
Sonst glaubt leicht ein Kind,
Blut vergießt sich wie Wein.

Es brauchen die Kinder Frieden,
Damit der sie lehrt,
Ein Spaten auf Erden hienieden
Ist mehr als ein scharfes Schwert.

Günter Kunert
© éditions Gallimard - anthologie bilingue de la poésie allemande (La Pléiade, 1993)

La comptine des enfants


Les enfants ont besoin de repos
Et n’ont pas besoin de batailles.
C’est des chaussures qu’il leur faut,
Et des images qu’ils regardent.

Sur les images il ne faut pas
Qu’on voie couler le sang d’un homme.
Sinon l’enfant sans mal croira :
Sang versé et vin, c’est tout comme.

Les enfants ont besoin de paix,
Qu’elle leur apprenne 
Qu’une bêche sur terre ici-bas
Est plus qu’un glaive tranchant.

Günter Kunert

Soldat soldat


Soldat, Soldat, wo geht das hin
Soldat, Soldat wo ist der Sinn
Soldat, Soldat, im nächsten Krieg
Soldat, Soldat, gibt es kein Sieg
Soldat, Soldat, die Welt ist ung
Soldat, Soldat, so jung xie du
Die Welt hat einen tiefen Sprung
Soldat, an Rand stehst du.

Wolf Biermann
© éditions Gallimard - anthologie bilingue de la poésie allemande (La Pléiade, 1993)
 

Soldat soldat


Soldat dis-moi où ça nous mène
Soldat dis voir que je comprenne
Soldat soldat dans la prochaine
Soldat tout le monde va perdre
Soldat soldat on a le temps
Soldat soldat écoute attends
Le monde se paye une belle fêlure
Et c’est toi qui es en bordure.

Wolf Biermann

Erziehung

laß das
komm sofort her
bring das hin
kannst du nicht verstehen
ser ruhig
fas daß nicht an
sitz ruhig
nimm das nicht in den Mund
schrei nicht
stell das sofort wieder weg
paß auf
nimm die Finger weg
sitz ruhig
mach dich nicht schmutzig
bring das sofort wieder Zurück
schmier dich nicht voll
sei ruhig
laß das
wer nicht hören will
muß fühlen.

Uwe Timm
© éditions Gallimard - anthologie bilingue de la poésie allemande (La Pléiade, 1993)

Éducation


laisse ça
viens ici tout de suite
amène-le
t’entends pas
va chercher ça tout de suite
tu comprends pas
du calme
touche pas ça
reste assis
mets pas ça dans ta bouche
ne crie pas
veux-tu remettre ça où tu l’as pris
attention
retire tes doigts
reste assis
te salis pas
ramène ça tout de suite
te barbouille pas complètement
du calme
laisse ça

quand on veut pas entendre
on le sent passer.

Uwe Timm

…auf diesen Kopf
ein Schatten liegt
und aud dem Schatten
ein Stein
und auf dem Stein
ein Schatten…

Ernst Meister
Wandloser Raum
© Ateleir La Feugraie

… sur sa tête
une ombre repose
et sur l’ombre
une pierre
et sur la pierre
une ombre…

Traduit par Jean-Claude Schneider
Espace sans paroi

Le petit pêcheur de solitude

Caché sous le chapeau
de jardinier de ton grand-père,
tu pêches depuis l’aube.
Le grand calme de la rivière
berce ton rêve de poisson.
Le bouchon file doucement.
Filent aussi les heures,
le vide temps de la journée.
Tu ne sais plus, baigné
dans l’absence des choses,
si tu es venu pour pêcher,
ou seulement pour être seul,
dans le grand calme de la rivière…

Claude Cailleau
© Le Pré de la Roche

Der kleine Fischer der Einsamkeit

Versteckt unter Deines Großvaters Gärtnerhut
angelst Du seit der Morgendämmerung.
Die tiefe Ruhe des Baches
wiegt Deinen Traum vom Fisch.
Der Schwimmer fließt langsam.
So zerfließen auch die Stunden,
die Leere der Zeit des Tages.
Du weißt nicht mehr, gebadet
in der Entrücktheit der Dinge,
ob Du gekommen bist, zu angeln,
oder nur um allein zu sein
an der tiefen Ruhe des Baches.

Traduction de Françoise Jörgens-Bonnot

La fin de la nuit d’été

La tête du chardon
se tourne vers les lumières
au-dessus de l’eau. Un oiseau
a écrit des signes
dans les feuilles du frêne. Le poisson,
autour des racines de roseau et de jonc,
étale le rouge de ses nageoires.
…/…

Traduction de Jean-Claude Schneider

Das Ende der Sommernacht

Der Distelkopf
schlägt nach den Lichtern
über dem Wasser. Ein Vogel
hat Zichen geschrieben
ins Eschenlaub. Um die Wurzeln
von Schilf und Rohr
legt aus der Fisch sein Flossenrot
…/…

Johannes Bobrowski
extrait de Signes du temps
© Atelier La Feugraie, 1992

L’eau

Tu parles encore,
eau, tu parles,
tu es venue par les fourrés,
à pas menus, sous le vent ;
lui, il cherchait les rivières, par-delà
l’obscurité, et la barque
où la lune voyage, dans le foin,
tu l’as entendu dire :
Voici les saules,
voici la maison du hibou.
…/…

Traduction de Jean-Claude Schneider

Das Wasser

Du sprichst noch,
Wasser, du sprichst,
du kamst im Gesträuch mit den kleinen
Schritten unter dem Wind ;
er suchte dir Flüsse hinter,
det Finsternis und das Boot,
darin des Mond fährt, im Heu,
du hörest ihn sagen :
Hier sind die Weinen,
hier ist das Eulenhaus.
…/…

Johannes Bobrowski
extrait de Signes du temps
© Atelier La Feugraie, 1992

Lassitude

Je suis las…
J’ai conversé avec les arbres
et j’ai souffert de la sécheresse avec les moutons.
J’ai chanté dans les bois avec les oiseaux.
J’ai aimé les jeunes filles au village.
J’ai regardé là-haut le soleil.
J’ai vu la mer.
J’ai travaillé avec le potier.
J’ai avalé la poussière de la route.
J’ai vu les fleurs de la mélancolie sur le champ de mon père.
…/…
Je suis las…

Traduction de Roland Hofer-Bury

Müde

Ich bin müde…
Mit den Bäumen führte ich Gespräche.
Mit den Schafen litt ich die Dürre.
Mit den Vögeln sang ich in Wäldern.
Ich liebte die Mädchen im Dorf.
Ich schaute hinauf zur Sonne.
Ich sah das Meer.
Ich arbeitete mit dem Töpfer.
Ich schluckte den Staub auf den Landstraße.
Ich sah die Blüten der Melancholie auf dem Feld meines Vaters.
…/…
Ich bin müde…

Thomas Bernhard
Poemes
© Librairie Séguier Archimbaud, 1987

Orages d’été

Bruits de pluie sur un toit.
L’humidité affleure
et l’herbe pousse.
Chaque jour des sectaires nous distillent
d’épineuses questions d’identité
alors qu’on s’efforce le matin
dès l’aube et non sans mal,
d’éloigner l’idée de mauvaise herbe

Orages d’été,
herbes des terres arables,
des jardins, des landes
et des marais.
Je salue votre unique identité,
celle du vivant,
de la république des oiseaux.

© Francis Krembel
Le grand TOUT

Sommergewitter

Prasseln des Regens auf ein Dach.
Feuchtigkeit erscheint
und das Gras wächst.
Täglich verbreiten Fanatiker
knifflige Fragen zur Identität
wo wir doch seit Tagesanbruch
und nicht ohne Mühe daran arbeiten
die Vorstellung von Unkraut loszuwerden.
Sommergewitter

Gräser des Ackerlands
der Gärten und Heiden
der Sümpfe.
Ich grüße euer gemeinsames Wesen
das des Lebendigen
der Republik der Vögel.

© Francis Krembel
das große Ganze

Parler : remuer du vent
écrire : remuer des mots
travailler : remuer des choses
voyager : se remuer.

Clod’Aria

Reden : Wind bewegen
schreiben : Wörter bewegen
arbeiten : Dinge bewegen
reisen : sich bewegen

Clod’Aria

Bitte
Bitte mein Herr
Bitte mein Herr Elefant
Bitte mein Herr Elefant seien Sie si freundlich
Bitte mein err Elefant seien Sie si freundlich une nehmen Sie irhen linken Vorderfuß von meinem rechten Fuß.
Danke vielmals.

Michel Monnereau

Bitte
Bitte mein Herr
Bitte mein Herr Elefant
Bitte mein Herr Elefant seien Sie si freundlich
Bitte mein err Elefant seien Sie si freundlich une nehmen Sie irhen linken Vorderfuß von meinem rechten Fuß.
Danke vielmals.

Michel Monnereau

Livre de chevet
Toute la lumière du jour
pliée dedans

Monique Leroux-Serres

Buch auf dem Nachttisch
All das Licht des Tages
darin gefaltet

traduction de Eleonore Nickolay

Dans le vieil ormeau mort debout,

Dans ce squelette à contre-ciel
Qui tient tête au vent noir,
Notre mémoire bat toujours.

Il avait charge de ce monde,
Nous mêlait à l’enfance des fables,
A ses viviers d’étoiles tutélaires,
A ces milliers d’oiseaux enfuis
Par la brèche du temps.

Il nous garde vivants
Dans sa houle de songes.

Il nous aide à tenir
Encore un peu.

Pierre Gabriel
Pour un temps (L’Arbre à Paroles, Amay 1990)
in La Fête de la vie - Editions En Forêt

In der alten, aufrecht gestorbenen Ulme,

In diesem vor dem Himmel aufragenden Skelett,
Das dem schwarzen Wind trotzt,
Schlägt unsre Erinnerung immer noch.

Sie hatte die Welt zu hegen,
Verband uns mit der Märchenkindheit,
Mit ihren Fischteichen voll schützender Sterne,
Den Tausenden von Vögeln,

Die durch die Bresche der Zeit geflohen sind.

Sie hält uns am Leben
Im Wogen ihrer Träume.

Sie hilft uns auszuharren,
ein wenig noch.

in Das Fest des lebens - Verlag im Wald
traduction Rüdiger Fischer

Déjeuner du matin

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler

Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder

Il s’est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis son manteau de pluie
Parce qu’il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder

Et moi j’ai pris
Ma tête dans ma main
Et j’ai pleuré.

Frühstück

Er hat den Kaffee gestellt
in der Tasse
Et hat die Milch
in dem Kaffeetasse gestellt
Et hat den Zucker
in dem Milchkaffee gestellt
Mit dem Teelöffel
er hat gedreht
Er hat der Michkaffee getrunken
Und er hat die Tasse ausgeruht,
ohne ein Wort zu sagen

Er hat eine Zigarette
angefeuert
Er hat Kreise
mit dem Rauch gemacht
Er hat die Asche
Hinter dem Aschenbecher gelegt,
Ohne mit mir zu sprechen,
Ohne mich anzusehen

Er ist aufgestanden
Er hat sein Hut
auf seinem Kopf gelegt
Er hat seinen Regenmantel gelegt
Weil es regnete
Und er ist
im Regen gegangen
Ohne Wort
Ohne mich anzusehen

Und ich habe mein Kopf
in meinen Hände gegriffen
Und ich habe geweint.

Jacques Prévert
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Roger Bertemes
Walter Helmut Fritz
Hendrik Rost

 


Cross (1)

My old man’s a white old man
And my old mother’s black.
If ever I cursed my white old man
I take my curses back.

If ever I cursed my black old mother
And wished she were in hell,
I’m sorry for that evil wish
And now I wish her well.

My old man died in a fine big house.
My ma died in a shack.
I wonder where I’m gonna die,
Being neither white nor black ?

Langston Hughes
traduction de Claude Held

(1) cross c’est aussi la croix, c’est aussi la colère…
(to be cross : être en colère)

Croisement

Mon vieux est blanc
Ma vieille mère est noire.
Si j’ai jamais maudit mon vieux
Je retire ce que j’ai dit.

Si j’ai jamais maudit ma vieille mère
Si je lui ai souhaité d’aller au diable
Je regrette ce souhait coupable,
Je lui souhaite du bien maintenant.

Mon vieux est mort dans une chouette grande maison.
Maman est morte dans une baraque.
Je me demande où je vais mourir,
Moi qui ne suis ni blanc ni noir ?

Langston Hughes
traduction de Claude Held

Cabinets de jardin - été 1939

Siège en bois
Récuré blanc
Sent bon.
Lumière diaprée
Sous la porte
Répand des ombres
Sur le sol.

Là rêve
D’un premier amour
À treize ans.
Un œil
Sur les étoiles,
L’autre voit
Les journaux
Découpés proprement
Accrochés
À la porte
Et lit :
« Ceci ne signifie pas
Que la guerre est inévitable ».

e. e. cummings
traduction de Claude Held

Privy in the Garden - Summer 1939

Wooden seat
Scrubbed white
Smells sweet.
Dappled light
Under the door
Spills shadows
On the floor.

There dream of
First love
At thirteen.
One eye
On the stars.
The other sees
The news squares
Neatly cut
And hanging
On the door
And reads –
« This does nos mean
That war is inevitable ».

e. e. cummings
traduction de Claude Held

oui est un pays charmant
si est hivernal
(mon aimée)
ouvrons l’année

tous deux voilà le temps rêvé
(pas l’un ou l’autre)
mon trésor,
quand les violettes éclosent

l’amour est une saison
plus profonde que la raison ;
ma douce
(et avril c’est où qu’on est)

e. e. cummings
traduction de Claude Held

yes is a pleasant country :
if’s wintry
(my lovely)
let’s open the year

both is the very weather
(not either)
my treasure,
when violets appear

love is a deeper season
than reason ;
my sweet one
(and april’s where we’re)

e. e. cummings

Quelque part
dans cette bouteille d’encre
il y a un ciel étoilé !
Somewhere
inside this ink bottle
there is a starry sky !

Les jonquilles commencent à pousser
près de la véranda.
 Une,
 Deux,
 Trois.
Je pourrais être la quatrième !

Robert Sund
Poème d’un lac qui se meurt
© Corps Puce

The daffodils are up
by the porch.
 One,
 Two,
 Three.
I could be the next !

Robert Sund
Poème d’un lac qui se meurt
© Corps Puce

Le petit pêcheur de solitude

Caché sous le chapeau
de jardinier de ton grand-père,
tu pêches depuis l’aube.
Le grand calme de la rivière
berce ton rêve de poisson.
Le bouchon file doucement.
Filent aussi les heures,
le vide temps de la journée.
Tu ne sais plus, baigné
dans l’absence des choses,
si tu es venu pour pêcher,
ou seulement pour être seul,
dans le grand calme de la rivière…

Claude Cailleau

© Le Pré de la Roche

The little fisher of solitude

Hidden beneath your grandfather’s
gardening hat
you have been fishing since dawn.
The deep calm of the river
cradles your dream of fish.
The float glides quietly.
Time also glides quietly away
the vacant hours of the day.
You no longer know, bathed
in the absence of things,
whether you came to fish
or simply to be alone
in the deep calm of the river.

Traduction de John Millar

L’oiseau du Colorado
Mange du miel et des gâteaux
Du chocolat et des mandarines
Des dragées des nougatines
Des framboises des roudoudous
De la glace et du caramel mou.

L’oiseau du Colorado
Boit du champagne et du sirop
Suc de fraise et lait d’autruche
Jus d’ananas glacé en cruche
Sang de pêche et navet
Whisky menthe et café.

L’oiseau du Colorado
Dans un grand lit fait un petit dodo
Puis il s’envole dans les nuages
Pour regarder les images
Et jouer un bon moment
Avec la pluie et le beau temps.

Robert Desnos
in Destinée arbitraire (Gallimard)

The bird from Colorado
Feeds on honey and cakes
On chocolate and tangerines
Dragées and nougatines
Raspberries and hard candy
Ice cream and soft caramel.

The bird from Colorado
Drinks champagne and syrup
Strawberry squash and ostrich milk
Chilled pineapple juice in a jug
Blood from peaches and turnips
Mint whisky and coffee.

The bird from Colorado
Takes a nap in a big bed
Then flies away into the clouds
To look at the pictures
And to play for a while
Come rain or come shine.

Traduction Alain Boudet et Francis Hourquebie

pour tous ces nuages
mes deux épaules seront-elles
assez solides ?
Le vent retourne les corbeaux
comme des ombres chinoises

Monique Leroux-Serres

for all these clouds
will my shoulders be
strong enough ?
crows turn over in the wind
like Chinese shadow puppets

traduction de Janick Belleau

Tu entres
au cœur de l’espace
comme dans un nid
où tu poserais tes ailes

Un duvet de rose à tes pieds
pour te consoler
du poids de la terre

Et toujours
autour de toi
cette douceur de l’air
qui te dit
que toute chose
est habitable
ici bas.


Marilyse Leroux, Le temps d’ici, éditions Rhubarbe 2013

You enter
the core of space
as you would a nest
where to rest your wings

A velvet of roses at your feet
to comfort you
from the weight of the land

And always
around you
the sweetness of the air
which tells you
that every thing
is habitable
here below.


Marilyse Leroux (From Le temps d’ici, éditions Rhubarbe, France 2013) - Traduction Eve Lerner

Certains jours
la lumière s’unit aux arbres
pour une danse immobile
en dehors de nous
 
On aimerait glisser
contre l’écorce
et sentir monter en soi
les veines de la terre
 
Le jour nous confondrait
dans ses feuillages
nous serions la peau du ciel.
 
Marilyse Leroux, Le temps d’ici, éditions Rhubarbe 2013.
Some days
the light mingles with trees
for a motionless dance
outside of us

One would like to huddle
against the bark
to feel throbbing inside
the veins of the earth

The day would confuse us
with the foliage
we would be the skin of the sky.

Marilyse Leroux (From Le temps d’ici, éditions Rhubarbe, France 2013) - Traduction Eve Lerner

Nous sommes de ce pays d’ici
aux terres bleues dévorantes
 
De ce rêve sans âge
qui court sur la face nue des pierres
 
De cette ombre toujours neuve
à l’avant du jour
 
Nous sommes de ce pays d’ici
nos chemins sont nos racines
nos pas herbes vivantes
offertes à la magie de l’air
pour une simple fleur
de sang.

Marilyse Leroux (Le temps d’ici, éditions Rhubarbe, France 2013)

We are from this country
of devouring blue lands

From this ageless dream
running on the naked faces
of stones

From this shadow ever new
just before daylight

Our paths are our roots
Our steps living grasses
offered to the magic of the air
for a simple flower
of blood.

Marilyse Leroux (From Le temps d’ici, éditions Rhubarbe, France 2013) - Traduction Eve Lerner

Cette branche dans les fougères
était un cerf rouge
s’abritant de la pluie

***

Dans le silence vert et mouillé
du bois de pins
le cri noir du corbeau

***

Absorbée par son travail
ne disant mot -
l’araignée

 

That branch among the fern
was a red stag
sheltering from the rain

***

In the wet green silence
of the pine wood
a crow’s black call

***

Getting on with the job
never saying a word -
the spider

Kenneth White - Trois haïkus extraits de L’Anorak du goéland - L’instant perpétuel 1987 - Traduction de l’auteur

Déjeuner du matin

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler

Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder

Il s’est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis son manteau de pluie
Parce qu’il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder

Et moi j’ai pris
Ma tête dans ma main
Et j’ai pleuré.

Breakfast

He poured the coffee
Into the cup
He poured the milk
Into the cup of coffee
He added the sugar
To the coffee and milk
He stirred it
With a teaspoon
He drank the coffee
And put back the cup
Without speaking to me

He lit
A cigarette
He blew some rings
With the smoke
He flicked the ashes
Into the ashtray
Without speaking to me
Without looking at me

He got up
He put his hat
On his head
He put on his raincoat
Because it was raining
He went out
Into the rain
Without a word
Without looking at me

And I
I took my head
In my hands
And I wept

Jacques Prévert
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