Tournée d’adieu
Article mis en ligne le 26 mars 2021

par Robert Froger

Le temps s’égrène, nos cœurs se traînent

Les nuits, mes insomnies, tout ce qui fait raffut, la peine. Je broie du noir, des sacs entiers de grain, brassés par les angoisses et j’en remplis mes poches, sous les yeux, viles ridules, mais je ne suis pas fou. J’échappe à la folie, d’un coup de dent, je recrache les grains trop durs, je sépare comme je peux ce qui se trouve en moi d’insécable mélancolie. Le temps me porte en lui. Je compte. Mes cheveux blancs et mes cafés. L’acidité du monde en gorgées chaudes. Je ne suis pourtant pas si noir que j’en ai l’air. Je peux croquer la vie, rire ou sourire. C’est un peu de ma négligence, les sales habitudes, l’usure du temps. En compagnie des cigarettes. Âge de cendres. Tandis que j’ai le nez penché sur les cafés fumants. Volutes croisées. Comme un périphérique de quelque chose en moi : un monde qui s’en va, un autre qui s’en vient. 

Tournée d’adieu
Thierry Roquet
Gros Textes, 2020
ISBN 978-2-35082-474-1
7,00 €

Tout ne tourne pas rond dans cette "Tournée d’adieu". Il y a presque toujours, dans les textes présentés, quelque chose qui dérape, au niveau des mots, au niveau de la situation, quelque chose qui échappe au lecteur et, pourquoi pas, à l’auteur aussi qui est le témoin et le passeur de ces erreurs, de ces errances, de ce malaise diffus.
"Un grain de sable, un seul et minuscule grain de sable suffit à enrayer la tranquille mécanique des habitudes".
Un monde cauchemardé plus que rêvé. Surréaliste ? Aliénant ? Si éloigné du réel ? Et s’il s’agissait surtout de dénoncer des injustices, morales ou sociales ?
"On porte en soi un territoire de combat".

Robert Froger