et tu files, tu restes du côté de ce qui bat dans le fatras des planches et du papier à bulles et c’est toi, tête de bélier qui nous y mènes on s’écarte pour laisser passer les suivants, vite, le pourboire à la terre bouffée d’encens table de jeu trois pas de danse sur la place et puis fini, tu ne sais donc pas que le divertissement, l’absence si possible, sont de mise sous nos casquettes orange les lumières du dessous, c’est pour une autre vie |
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Lumières du dessous
Jacques Allemand
Linogravures de Mathilde Landois
Éditeur : Atelier du Hanneton
ISBN : 978-2-914543-36-1
18 €
Ce livre composé à l’ancienne grâce au talent d’un éditeur-typographe et illustré de lumineuses linogravures est un réel bonheur. On en tourne les pages comme on feuilletterait un carnet de voyages. Chaque poème fait apparaître un paysage nouveau : une fontaine au milieu d’une place publique, un port, un barrage, une fête foraine, une digue, une terrasse de café. On devine des paysages méditerranéens.
Les mots gorgés de sensations et d’ images donnent une épaisseur aux scènes du quotidien qui s’offrent au poète. On se frotte « aux écorces » et « aux pierres dorées d’un village ». On « chemine lentement / en respirant lentement/ le sucre de l’air ». On partage avec l’auteur « les chopes entrechoquées dans les cabanes/ la danse des sourcils de part et d’autres/ notre désarmante facilité à chanter ensemble/ ce que nous ne pouvons nommer ».
Jacques Allemand est en évidente complicité avec ceux qui peuplent et animent les paysages. « Là c’est chez moi et chez mes frères/ qui parlent bas/ pas ceux qui tournoient au bout de leurs mains luisantes comme des assiettes ». « Ces gens lui racontent des mégots d’histoires » qui mêlent cris de colère, « râles » et « jurons ». Le cœur n’est pas toujours à rire. Avec beaucoup de générosité, les mots fraternels du poète donnent vie à une « terre qui pense ».
Michel Foucault