La toile de l'un

Alix Lerman Enriquez

Alix Lerman Enriquez

Le pain de l’aube

J’ai entrebâillé la porte du ciel
et dans cette embrasure,
j’ai vu la blessure du jour
rouge encore
à l’approche de l’aurore.

Blessure figée, incrustée
dans la fissure des étoiles
éclatées de silence.

Dans l’embrasure du ciel,
j’ai pétri le pain de l’aube
encore blond
du soleil de la veille.

J’y ai tracé des rainures,
des rayures d’azur
Pour le faire lever haut
dans le ciel solitaire.

Je l’ai fait cuire
au soleil de la mer
avec un zeste de rosée.

J’en ai coupé une tranche
que j’ai offerte en pâture,
aux mouettes en plein vol,
en pleine errance, en déshérence.
Elles l’ont partagée
avec les sternes, leurs paires
en buvant le vin de l’aube
et sa rosée.

 

Tessons

Sur la route semée
de tessons de soleils,
j’ai recueilli
quelques fleurs mortes :

des coquelicots froissés,
quelques hibiscus piétinés,
des roses aussi
calfeutrées de silence.

Sur le bitume crevassé
que je parcours tremblante,
je titube, encore ivre de la veille,
ivre du vin de tristesse
bu à grandes gorgées.

C’était un vin de rosée
avec sa belle lumière d’été
un soleil couchant liquide
écrasé sur la mer,

un vin de nostalgie
qui pansait ma blessure
d’enfant toujours ouverte.

J’ai brisé ma bouteille de vin
et déjà les tessons de verre
colorés d’aube, de soleil rouge
égrènent ma route de pénitente.

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