La musique me revient par vagues

La musique me revient par vagues

Promenade de midi
sur la pelouse de l’asile

Le rayon de soleil estival
perce à travers un arbre méfiant
Si je traverse les ravins de la mort
Il aspire l’air
et me cherche du regard.

L’herbe parle.
J’entends le gazon psalmodier toute la journée.
je ne crains aucun mal, ne crains aucun mal
Les brins d’herbe s’étendent
et arrivent jusqu’à moi.

Le ciel se brise.
Il s’affaisse et souffle sur mon visage.
devant mes ennemis, mes ennemis.
Le monde est plein d’ennemis.
Aucun lieu n’est sûr.

La musique me revient par vagues
Anne Sexton
édition bilingue

Traduit de l’anglais (USA) par Christine Murphy-Rimoldy
édité par la revue À L’INDEX
Collection Le Tire-Langue, 2020
17,00 €

“La musique me revient par vagues” nous propose un choix de poèmes d’Anne Sexton, en édition bilingue, traduits par Christine Murphy-Rimoldy. L’ensemble fait penser à un journal qu’Anne Sexton aurait d’abord écrit comme une correspondance avec elle-même avant de la confier au lecteur. Il y est question des errances, des incompréhensions, des douleurs mais aussi des bonheurs d’une vie. Peut-être faut-il préciser que l’auteure a longtemps souffert de dépression, “diplômée en maladies mentales”, comme elle le dit elle-même, et a mis fin à ses jours à l’âge de 46 ans.
Elle évoque sa mère, “Je ne savais pas qu’au final, ma vie / écraserait celle de ma mère comme un camion”, parle de sa vie de femme, des femmes, “Une femme qui écrit ressent trop…”, mais aussi de sa vie de mère, “Ma fille, à onze ans / (presque douze), est comme un jardin.” Elle évoque aussi souvent “les sorcières” que l’on pourrait assimiler à ses démons, ses tourments, rarement oubliés : “quand je suis allée assez bien pour me tolérer…”
Mais l’écriture d’Anne Sexton va au-delà d’une simple tentative de thérapie. Par ses mots, ses associations littéraires, ses visions poétiques, elle impressionne, dans tous les sens du terme : elle bouleverse, elle émeut, elle secoue.

laissant la page du livre négligemment ouverte,
un non-dit, le téléphone décroché
et l’amour, quoiqu’il fût, une maladie contagieuse.

Robert Froger

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