Erika T. Wurth

Erika T. Wurth

Apache/Chickasaw/Cherokee, Erika T. Wurth fut élevée dans le Colorado, à l’extérieur de Denver. Elle a grandi dans une communauté faite de trois tribus mais aussi de gens fraîchement sortis de la réserve Navajo ou bien encore des Latinos mais de descendance Indienne, et tout autour de nombreux ouvriers blancs. Erika le précise et considère cet environnement important car il ne la lâche jamais, elle le porte en elle, images et sons, odeurs, souvenirs… tout y est rattaché. Elle explique qu’elle a haï sa communauté, les effluves de cigarettes mêlées à celle des vestes lavées dans des lessives acides, le mélange des langues, la colère dans les voix, et pourtant maintenant elle comprend combien ces gens ont essayé de l’endurcir, et « il y avait quelque chose de beau dans leurs luttes et dans leur simple survie. Ils pouvaient être drôles aussi » confie-t-elle.
Erika représente la jeune génération d’auteurs Indiens d’Amérique du nord. Des aînés aussi prestigieux que Gerald Vizenor et Sherman Alexie ont salué son travail, pétri d’ironie dévastatrice, d’humour tranchant, faisant lever de puissantes images-métaphores capables d’allumer des révolutions dans nos cœurs et de changer l’effrayant et le sombre en lumineux et en courage. Son roman Crazyhorse’s Girlfriend, vient d’être accepté par les editions Curbside Splendor. Son recueil de poèmes, Indian Trains, est sorti chez West End Press en 2008. Son travail a été publié dans de nombreux journaux et magazines. A l’heure actuelle elle enseigne l’écriture créative à l’université Western Illinois, elle a également été écrivain invité en résidence à l’institut des arts Amérindiens. Elle vit à Macomb, Illinois. Découvrez quatre de ses textes en version bilingue. Traduction de Béatrice Machet. Oh, cousin – L’aiguille dans la boîte – Reculant comme l’étendue sauvage dans la nuit – Jusqu’à ce que le soleil se lève
OH, COUSIN How we rode on your motorcycle that summer and every summer, on those back roads behind my house, the smell of the raspberry bushes after the rain everywhere. I buried my mixed blood hands in your mixed blood hair, cut it, you said and make it look like yours, but darker. And I couldn’t though I loved you more than anyone else. How we laughed all night, tormenting my brilliant younger sister who would grow up so angry and sad just like dad, just like your dad too, both of them. Oh, Ab, we grew up and got off that bike too quick, you with babies and fists, and me, with words and nothing else. Oh, Ab, let’s get back on the bike, and stop, and pick those raspberries and make something beautiful out of them and let’s take my sister along this time, I miss her so much. OH, COUSIN comment nous chevauchions ta mobylette cet été-là comme chaque été, sur les routes secondaires derrière ma maison, l’odeur des framboisiers répandue après la pluie. J’enfouissais mes mains métisses dans tes cheveux métis, coupes-les, disais-tu et fais les ressembler aux tiens, mais en plus foncés. Et je ne pouvais m’y résoudre même si je t’aimais plus que tout au monde. Comment nous riions toute la nuit, en tourmentant ma brillante jeune sœur qui grandirait si en colère et si triste exactement comme papa ; exactement comme ton père aussi, comme les deux. Oh Ab, nous avons grandi et sommes descendus trop vite de cette mob, toi avec bébés, serrant les poings, moi avec des mots et rien d’autre. Oh Ab, remontons sur la mobylette, arrêtons-nous, cueillons des framboises, faisons quelque chose de beau avec et cette fois emmenons ma sœur avec nous, elle me manque tellement.
THE NEEDLE IN THE BOXThat year you lived in the house with the white girl who never stopped asking you inside who never stopped asking you to come and hold her who one day told you that she knew that you were the devil and the next an angel, God, that year you watched the Lakotas watch the Jazz musician shoot up before he played from your window your lonely Navajo eyes filing with desolate visions oh that year that year was the year you decided that you’d never be alone that you’d call everyone in your family that you’d drive all night if you had to you’d phone from every pay phone West you’d get a girlfriend and watch me from the box and that year was the year you found out more than you ever wanted and more than you ever got. L’AIGUILLE DANS LA BOÎTECette année-là tu vivais dans la maison avec une blanche qui n’avais jamais arrêté de te demander d’entrer et de la tenir dans tes bras qui un jour te dit qu’elle savait que tu étais le mal et le prochain ange, dieu, cette année-là tu regardais les Lakotas regarder le musicien de jazz tirer avant de jouer depuis ta fenêtre tes yeux navajos solitaires emplis de visions désolées oh cette année-là celle où tu décidais que tu ne serais jamais seul que tu appellerais tout le monde dans ta famille que tu conduirais toute la nuit s’il le fallait que tu téléphonerais depuis chaque cabine à l’ouest tu aurais une petite amie et tu me regarderais dans la boîte et celle année-là fût celle où tu découvrais plus que tu ne l’aurais voulu et plus que tu ne l’avais jamais fait.
Receding Like the Wilderness in the NightUnder the stars, the smell of the desert everywhere, L leans over and talks about Peyote and S about the Stomp, and we are all wide open and looking up and it is beautiful for a moment, my eyes meeting S’s eyes, we roll off into the distance, me sitting on the hood of the sliver, silver car in my green, green dress, shimmering with the heat that has already left this place. Don’t think, don’t think about the next day, the wandering through the desert, the children screaming in your ear, the watching of the bodies melt, the things you have to know about men. This is when the desert does not bloom, it is when it cuts you open and reveals a wound that cannot heal, the one that is cut precisely in the shape and shadow of your father. His hands reach out in the dark, they implore for forgiveness, and then they withdraw, like the shadow that they finally are, moving slowly across the red desert floor, receding like the wilderness and into the night. Reculant comme l’étendue sauvage dans la nuitSous les étoiles l’odeur du désert partout, L se penche et parle du Peyote, S à propos de la Stomp, nous sommes tout ouverts,  regardons en l’air et c’est beau pendant un moment, mes yeux rencontrent ceux de S, nous roulons, moi assise sur le capot à l’éclat vif argent, argentée la voiture je porte ma verte, robe verte, scintillante de la chaleur qui a déjà fait place. Ne pas penser, ne pas penser au prochain jour, le vagabondage dans le désert, les enfants vous hurlant dans l’oreille, la vue des corps fondus, les choses que tu dois savoir au sujet des hommes. C’est quand le désert ne fleurit pas, c’est quand il te coupe à vif et révèle une blessure qui ne peut guérir, celle qui est précisément découpée selon la forme de l’ombre de ton père. Ses mains t’atteignent dans la nuit, implorent ton pardon, et puis se retirent, telles l’ombre qu’elles sont finalement, se mouvant au travers du désert rouge, reculant comme l’étendue sauvage dans la nuit.
Until the Sun Rises She is the woman with the crown of thorns around her neck, pull, pull, lead her,  watch her bleed for you, the red running down, she will be lead in the desert for four days and she will pray with her own blood and will ask for nothing in return but a moment inside your hot brown hands, yes, the same ones that pray around her neck. God, you have to tell me that you know what you are doing because I am the one that watches and waits, I hold the thorns that she has left in my hand, I close my fist, I bleed, I wait for a fist to grow inside her, I wait for the desert to pull back, for the ceremony with pollen to finally make her a woman, so she can take the desert inside her and bring forth the wide, white, blinding sheets of rain, the kind that takes everything into the forces we cannot control, the ones far outside of his hands, the desert and me and into the moment of change, the moment we will all look East, to be born and born and born again. Jusqu’à ce que le soleil se lèveElle est la femme à la couronne d’épines autour du cou, tire, tire, conduis-la, regarde-la saigner pour toi, le rouge coule, elle sera conduite dans le désert et y restera quatre jours, elle priera offrant son propre sang et ne demandera rien en retour rien qu’un moment dans vos chaudes mains brunes, oui, les mêmes qui prient autour de son cou. Dieu, tu dois me dire que tu sais ce que tu fais parce que je suis parmi ceux qui regardent et attendent, je tiens les épines qu’elle a laissées dans ma main, je ferme le poing, je saigne, j’attends qu’un poing lui pousse à l’intérieur, j’attends que le désert se retire, que la cérémonie du pollen la fasse enfin devenir femme, pour qu’elle puisse prendre le désert en elle et rapporter les larges draps blancs de la pluie aveuglante, celle qui qui emporte tout dans le courant de forces que nous ne pouvons pas contrôler, celles qui loin de ses mains, du désert et de moi, celles au cœur du moment de transformation, le moment où nous regarderons tous l’Est, pour naître, renaître et renaître encore.
 

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