La toile de l'un

Antoine Janot

Antoine Janot

 

 

arêver

L’impossibilité de rêver
Cela fait un an maintenant que le sommeil est muet Je me réveille sans souvenir
Sans savoir où j’étais parti dormir
C’est moche

 

La folie

C’est quand tu ne contrôles plus tes pensées Elles vont toutes seules dans ta tête T’essayes de les rattraper
Mais elles vont trop vite
Alors t’essayes de pas les écouter Mais elles gambadent les pensées Et avec leurs mille pattes
Elles t’attrapent

 

Au bord du gris

Ciel triste, reflet de ciel triste
Une rivière
Des mouettes qui ne savent pas où aller Des grues jouent au chômage
On est dimanche
Une eau en béton mouillé Du vent d’usine
Il fait laid
La rivière est désœuvrée On est midi
Sur les quais
Les maisons mangent la fenêtre fermée Y a rien à regarder
Qu’une journée de février

 

La boutique de rêves

C’est pas compliqué.
Il y a deux sortes de rêves. Les naturels et les artificiels.
Les naturels, c’est les moins chers, forcément. On l’enregistre pendant votre sommeil, et à votre réveil on vous donne la vidéo de ce que vous avez rêvé. Vous pouvez la regarder chez vous tranquillement ou la montrer à votre psy, enfin vous en faites ce que vous voulez, c’est vous qui voyez. Les artificiels, le prix dépend de ce que vous cherchez. Oh ! Vous m’écoutez ? Ok. On a nos scénaristes qui travaillent avec nos programmateurs juste là voyez ? On peut vous proposer des histoires, y en a en promo en ce moment, sinon vous venez avec votre propre histoire et on vous la programme, là c’est plus cher bien sûr. Et puis ça dépend de la complexité du scénario, du nombre de personnages, des décors, de la mise en scène, bref, on vous fera un devis. Ah d’accord, c’est pour un rêve de combien de temps ? 15 heures !? Ah, c’est beaucoup. Mais ne vous inquiétez pas, vous pouvez payer en plusieurs fois.
Non, on a pas le droit de programmer des meurtres. Le gouvernement a peur des effets secondaires. Même si eux ils hésitent pas à faire des cauchemars pour torturer des gars… paraît même qu’à Guantanamo y en a un qui s’est suicidé parce qu’il avait trop peur de s’endormir. Il rêvait chaque nuit qu’il bouffait ses enfants, vous imaginez un peu ? Enfin… c’est que des rumeurs. Vous prenez quoi alors ?

© Antoine Janot et l’éditeur pour l’ensemble des poèmes de cette page, extraits de Histoires courtes paru aux éditions Les Impliqués.

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