Petite histoire
Le concept de slam (de to slam qui veut dire “claquer” en anglais) apparaît à Chicago dans les années 1980, quand un jeune écrivain, Marc Smith, organise et baptise ainsi des compétitions de poésie orale arbitrées par le public. L’idée connaît le succès, en particulier à New York, au début des années 1990, enrichie par l’apport de plumes venues du hip-hop. En France, des pionniers comme Pilote le Hot et Nada posent les bases d’une scène parisienne (notamment au Club Club de Pigalle), vers 1995, en retranscrivant la notion de compétition chère aux Américains. On observe alors une première effervescence, mais c’est surtout à partir de 1998 et de la diffusion du film Slam, de l’Américain Marc Levin, interprété par Saul Williams, une vedette du genre, que naissent des vocations qui évacueront de plus en plus la notion de concours.
Rapidement, de nombreux amateurs initient, ici et là, des rencontres, souvent en soirée, où tout un chacun est invité à faire “claquer” un texte de sa composition. Un texte, un verre, c’est un peu la règle, inscrivant d’emblée le slam dans la convivialité, loin de l’exercice individuel et solitaire de la poésie.
Démarche individuelle, hésitante ou assurée, démarche collective de groupes qui se constituent, le slam prend son essor, jusqu’à trouver des relais médiatiques.
D’abord une voix …
Slamer, c’est prendre la parole. D’abord. Un lieu convivial, un animateur, sorte de monsieur Loyal du texte proclamé, un public soucieux d’abord de l’échange d’émotions, et le décor est planté, les acteurs rassemblés. Il y a un peu de l’esprit du karaoké dans tout cela. Une envie de passer, avec d’autres, du temps avec les mots et leur musique.
Chaque slameur est doté d’un pseudonyme. Un nom de guerre, même si l’esprit du slam est plutôt pacifique. Une manière, un peu, de se protéger autant que de s’afficher. Une manière aussi de sacralisation, d’identification.
Le slam, c’est d’abord la voix. Qui a entendu Grand corps malade (c’est le nom de slam de Fabien Marsaud) est frappé par le timbre profond de la voix qui porte les textes. Une voix qui a déjà rejoint avec son premier disque plus de 300.000 auditeurs. Un vrai succès.
… qui porte un texte très écrit
Qui penserait que le slam s’accommode volontiers de l’improvisation se tromperait grandement. Les textes slamés sont très écrits. Bien ou mal, mais écrits. La qualité des textes est en slam comme en poésie, extrêment variable, l’amateurisme étant la règle.
Comme dans le rap, on trouve une recherche fondamentale du rythme, particulièrement adapté à la scansion. Un recours presque continuel à la rime, parfois astucieuse et inventive, parfois facile et attendue. Mais il y a là une réelle créativité.
Un lyrisme réinventé
Le slam est un écrit tourné vers le pathos. Une expression du “je”, une recours échevelé au lyrisme. Les textes parlent des sentiments, des souffrances, de l’actualité du monde et de l’individu. En cela, il est proche de la démarche du poète.
Le slam fait la part belle aux possibilités du langage. Les sonorités des mots, leurs jeux, leur polysémie, leur musicalité ont dans la profération du texte une grande importance, d’autant plus qu’elle est faite le plus souvent à voix nue, même s’il arrive de plus en plus que les textes sont environnés musicalement.
Le texte de slam est d’autant plus intéressant, à mon sens, que son auteur a un ancrage culturel, des références, un propos qui dépasse son ego.
Slam et poésie
Avec cela, de vraies questions. Quelles rapports, par exemple entre le slam et la poésie ? Entre les slameurs et la poésie ? Les slameurs disent volontiers qu’ils ont longtemps pensé que la poésie était prétentieuse, opaque, lointaine, ennuyeuse. Leur mise à l’écriture les a amené à pétrir la langue, à la clamer. Mais cette démarche les a-t-il ouverts à la lecture, à voix basse ou à haute voix, des poètes d’hier et d’aujourd’hui ?
Chacun pourra se rendre compte que les textes des poètes classiques se prêtent aisément à un traitement comme la “mise” en rap ou en slam. Leur forme fixe, leur rythme régulier les font glisser dans la voix sans difficulté. Mais les textes contemporains contemporains résistent à ces transferts. D’ailleurs, il ne faut pas vouloir chercher à adapter la poésie contemporaine au slam. Ce sont deux univers disctincs, deux écritures particulières. La question qui se pose est davantage de savoir si le slam peut être une passerelle pour une redécouverte des voix contemporaines de la poésie ?
Vous pouvez télécharger le document pdf : Planète slam…