La toile de l'un

École

École


 

Matin de rentrée
A l’hirondeau du garage
j’explique l’Afrique

© Isabel Asunsolo

Qui est qui ?
Joie de lire et d’écrire
attrapes et chausse-trapes
Tout cela est-il vrai ?

© Valérie Huet


Sens dessus dessous
Suivant une ligne médiane
entre les marronniers
Laisser la troupe d’élèves
nous emmener dans son rêve
Tout en haut tout en bas
à tous les étages
et même entre les deux.

© Valérie Huet

À l’école, on apprend les pluriels.
Pas drôle ? Si !

Pluriels


Un orage, déluge. Une côte, dérive.
Un comique, dérailleur. Une col, délasser.
Un marcheur, déambuler. Un quai, débarcadère.
Une excuse, désolé. Une beauté, désirable.
Une route, déchausser. Une loi, décret.
Un chagrin, désespoir. Une catastrophe, désastre.
Une discussion, débat. Une dette, débiteur.
Une pente, déclivité. Un diable, démon.
Une glace, décongeler. Un trouble, désarroi.
Une poubelle, déchet. Un fou, démence.
Un carton, déballer. Un curé, dévot.
Un pas, démarche. Une lessive, détergent.
Un crayon, dessiner. Un échec, déboire.
Une prise, déconnexion. Un fleuve, décrue.
Un tyran, démocratie. Une direction, déviation.
Un lacet, des lassos. Un gras, des gros.
Un sweat-shirt, débardeur. Un fouillis, débarras.
Un libertinage, dévergondage. Un policier, détective.
Un objectif, dessein. Un tyran, despote. 
Un coup, dérouiller. Un conflit, désaccord.
Un pneu, dégonfler. Une aisance, dextérité.
Une envie, désir. Un malin, débrouillard.
Un fidèle, dévoué. Un vieux, désuet.
Une vie, destin. Un parfum, désodorisant.
Une pagaille, désordre. Un nu, déshabiller.

© Daniel Lacotte

La communale

à Monsieur Grégoire


Je suis né dans l’une des écoles
que la République a bâties avec des briques
dans les années mille-huit-cent-quatre-vingts.
La mienne est de quatre-vingt-un :
c’est inscrit au fronton. Mon père,
qui n’a jamais cessé d’être laïc
et obligatoire, était une sorte
d’artisan de la pensée
dépositaire de la mémoire des choses
et des mots qui nomment aussi bien
le rouge-gorge que la cuscute-petit-pré,
la gradine du tailleur de pierre
que le rogne-pied du maréchal-ferrant.
L’instit qui m’a appris à écrire et à lire
avait laissé ses deux mains à la guerre.
Une longue craie au bout de ses doigts de fer,
il traçait d’impeccables lettres blanches
sur le tableau noir. Celui-là m’a transmis
plus que la maîtrise des sons et des signes :
l’énergie secrète qui fait tenir debout.

© André Velter (inédit)

Collégiens

Dans un pays de terrils, de crassiers et d’hommes rudes, 
nous rentrions de classe
avec les plus belles écolières de la Terre.
Leurs rires magnifiaient les couleurs du soir
et nous menaient par la main.
Avec la complicité du vent,
nous les vêtions de rêves.
A l’émoi du corps,
nous pressentions d’autres temps,
déjà nous savions que nous devrions aimer.

Une angoisse lumineuse nous submergeait.

© Gérard Cousin

Vigie

Des cris, des balles
qui rebondissent
dans le préau bondé ;
1, 2, 3… la pluie
joue sur les carreaux
sa chanson assourdissante,
tandis qu’1, 2, 3
demoiselles
battent là-bas des cils
autour de mon cœur ;

et la sonnerie hurle
tout à coup,
me surprend, me secoue
et m’alpague au fond de la cour

où j’étais

perdu

en moi-même.

Morgan Riet – Sous la cognée, ©Voix Tissées, 2017

Cantine

Brouhahas,

obsédants bruits stridents
des couteaux et fourchettes.

Quelle tambouille t’écœure ?
Vite ! être ailleurs, mais le temps court

trop lentement, ici, et la
cantinière aux exhortations trop vives,

n’arrange rien, majore
je ne sais quelle sauce grisâtre

en ta marmite
peu à peu en compote –

Brouhahas,

obsédants bruits stridents
des couteaux et fourchettes –

Tu manges, l’estomac noué
à ta chaise.

Morgan Riet – Sous la cognée, ©Voix Tissées, 2017

Le don des langues

Pour parler aux orties, les cailloux,
Qui savent plusieurs langues,
Parlent le latin des bois
Et des pipistrelles.

C’est le plus facile à apprendre.
Il ne demande que peu d’efforts,
Surtout si l’on connaît déjà,
Le fourmillais, le cigalon et l’hirondellois.

Béatrice Libert,
Dans les bras du monde
© Soc et Foc, 2014.

La règle à calculer

La règle à calculer
Ne calcule plus rien.

Elle a mal à la gorge.
Elle tousse, fiévreuse.
Elle prend des gouttes de silence
Trois fois par jour,
Comme le prescrit la neige.

Elle reste là, calfeutrée
Dans l’oubli d’un cartable
Abandonné près du radiateur.

Béatrice Libert,
Dans les bras du monde
© Soc et Foc, 2014.

L’école très buissonnière

Murs gris, tables alignées
Silence, discipline,
Leçons, devoirs, dictées
Mots, règles, chiffres.
J’ai tout avalé ça
Sans me plaindre ni rouspéter.

Puis, un beau matin
Que la neige tombait à gros flocons
J’ai fait classe ailleurs.
Emportée sur mes skis
Vers la beauté et la liberté.

L’odeur des glaçons et des sapins,
La splendeur des  collines blanches
M’ont enrichi d’un précieux  savoir
Que ni les mots ni les chiffres
Ne savaient me procurer.
Et les retenues, je les ai oubliées.

© Cécile Gagnon

Il y a dans la vieille école
depuis longtemps abandonnée
des bruits de pas et des paroles.

Sur le temps qui s’est refermé,
du maître et de ses paraboles,
gémissent les voix du passé

Ne marche pas sur cette feuille
tombée d’une petite main,
jadis, et qui porte le deuil

d’un écolier rieur, malin :
Cest toi, le vieux dans son fauteuil,
cet enfant qui ce soir revient.

© Claude Cailleau

l’examen

    elle a rappelé, il attendait ce coup de téléphone, il l’a bloqué toute la matinée
    une mère qui se bat seule, envers et contre tout
    d’abord contre sa fille, elle n’a rien fait durant l’année, méprisé les profs, tenu sa classe à l’écart, elle croyait réussir comme ça
    l’incroyable est qu’elle est près du but, il lui manque dix points
    la fille est vexée, elle abandonnerait bien, c’est la faute au monde entier
    sa mère sait mieux, tant pis pour le respect humain, le sien d’abord
    elle l’aborde, le harcèle, d’autres ayant montré porte close
    trop tard pour se demander à qui la faute mais il ne peut pas tout faire et puis c’est dans deux jours alors qu’on s’est bêtement drapée toute une année dans l’inconscience et le refus
    le refus de quoi au juste ?
    par-delà le passage du gué, qu’y a-t-il de si profondément enfoui entre les quatre murs, le sol et le toit de sa maison, les sept os de sa boîte crânienne
    entre les nôtres aussi ?
    elle l’aborde, le harcèle
    il conseille, entre dans le jeu
    finalement la mère a gagné et la fille repêché ses dix points

      Paul Badin, Aspects riants
      (Éditions de l’Atlantique, 2009)

Le professeur


Sur le tableau noir,
tout au bout des calculs blancs,
il traçait les courbes résultant des fonctions :
anses de panier, trèfles à quatre feuilles, spirales, ellipses…          

Lorsqu’on arrivait à suivre ses démonstrations,
s’étalait devant nos yeux leur beauté pure, éclatante.    

Équations et théorèmes bifurquaient souvent
vers des sentiers de musique,
tels que partition pour orchestre symphonique,
vibration d’une corde de violon,

Sidney Bechet ou Miles Davis.

Parfois, le soir, il jouait aux échecs avec les internes.
– Sur e2-e4, suivra une défense Philidor, russe, sicilienne…

Voir le polycopié « La conduite de la partie ».

Des années plus tard,
le cancer l’a emmené quelque part,
tout là-bas ou tout là-haut.

Médecine n’est pas mathématique ;
les courbes de sa maladie se tordaient en tous sens,
ne suivant même pas la théorie du chaos.

Il n’a pas su résoudre.

Il trace sans doute désormais sa géométrie descriptive
du coté de l’infini d’une asymptote diagonale,
sous le soleil bleu de la symphonie de l’autre bord des mondes ;
dans la beauté des nombres.

© Lucien Guignabel


L’enfant aux jambes nues qui marche vers l’école,
c’est dans mon souvenir blouse grise et galoches,
et des fleurs dans la main.

Le petit chemin creux accompagne son pas.
Les sept lettres dun mot rugissent dans sa tête :
ÉTREBIL ! ÉTREBIL !

Le mot joue à se perdre.
L’enfant le crie aux arbres,
à loiseau qui s’envole
et au vent qui l’emporte :
ÉTREBIL ! ÉTREBIL !

Connais-tu ce mot que, se rendant à lécole,
l’enfant criait jadis, blouse grise et galoches,
et des fleurs dans la main ?
Commence par la fin : tu l’entendras crier
LIBERTÉ ! LIBERTÉ !

© Claude Cailleau

 


J’allais à cloche-coeur

Vers ma prison d’école

J’étais comme un pantin

Et tout un tintamarre

Cognait à l’intérieur.

Enfant déjà perdue,

Rejetée, égarée,

René Guy était mort

Moi je n’étais pas née.

Où sont les pauvres corps

Qui nous ont enfantés ?

Donnez, donnez-moi de quoi lire,

De quoi ouvrir mes bras,

René, mon père en poésie.

Je n’ai que la lueur,

La lumière des pommes

Je ne sais pas apprendre

Et les autres se moquent

De mon jardin rêvé.

J’allais à cloche-coeur
Vers ma prison d’école,

Je sautais à la corde

Et de la terre au ciel,

J’imaginais un monde

De vergers et de fleurs,

Louisfert en féérie.


© Christine Guénanten
Sel ciel des mots aux marais salants – éd. Des Sources et des Livres

 

Bibliographie succinte :


L’école des poètes – anthologie préparée par Joël Sadeler (Hachette, collection fleur d’encre)
Jours d’école – anthologie de haïkus (AFH édition)

 

Formulaire de contact