Pablo
Sa lampe au front
comme une étoile
un enfant descend dans la mine
Et c’est la nuit qui entre en lui
Il creuse le ventre dans la terre
il avance dans les boyaux
à la recherche de joyaux
qui ne le rendront pas joyeux
Il porte l’ombre sur ses épaules
Il creuse il tombe
il creuse il va
le regard sombre
Ceux qui l’attendent
à la surface
attendent de revoir un visage
où deux yeux clignent
où deux yeux dansent
d’être encore là. |
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Adiza et Hauwa
Elle s’appelle Adiza
elle s’appelle Hauwa
elle s’appelle autrement que toi
elle s’appelle autrement que moi
Elle allait à l’école
ravie de l’air sur ses cheveux
forte des sourires échangés
dans la magie des mots des livres
Elle s’appelle Adiza
ou peut-être Hauwa
qui donc le sait ?
Elle a huit ans
Elle les avait
Des mains adultes
et sans courage
lui ont offert une ceinture
Hauwa peut-être ?
La vie l’écrase
C’était une enfant
kamikaze.
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Nathanaël et Fertuna
Mon petit frère du bout du monde
ma petite sœur de « pas d’ici »
J’ai vos visages au fond des yeux
j’ai votre rire au creux des mains
Et nous brillons sur cette terre
comme un soleil
qui fait la ronde
avec la nuit
Mon petit frère du bout du monde
ma petite sœur de « pas d’ici »
Si nous vivons comme un cadeau
chaque seconde
la joie délivrera nos cris. |
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Badou
À l’heure où Louison
fait des châteaux de sable
Badou fait des briques
Peter patouille
Joseph saute et joue
dans les flaques
et Badou fait des briques
Des enfants dans les jeux
des enfants dans la joie de pétrir
de creuser
bouilles réjouies dans la bouillasse
et les pâtés des plages
Mais Badou les mains rouges
à genoux dans l’argile du jour
Badou dans les ravins de son visage
Badou même terre
Badou même rêves
Badou fait des briques
en Afrique. |
Achara et Sunti
À Bangkok
à Phuket
il y a dans les rues
des sourires qui s’effacent
Des enfants effarés
qui divaguent fourbus
dans la ville et ses rues
où marcher c’est aller nulle part en enfer
Toi
fille sans matin
ou garçon sans regard
tu ne veux pas d’entraves
L’attachement que tu veux
c’est celui de ton cœur
Et le droit de chanter ton enfance. |
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Iram
Elle a déposé ses quatre ans
aux pieds du métier à tisser
Les yeux
au fil
d’un horizon sans rêves
Les doigts pourtant
plongés dans l’arc-en-ciel
Iram aux mains fines
Iram aux yeux noirs
Sa journée prise dans la trame
prisonnière du cadre
où le tapis s’éveille
Iram aux yeux graves
ligotée par les gestes
qui nouent les fils
qui nouent le cœur
qui noient sa vie
sous la poussière de la laine
Iram pour qui une voix s’est levée
celle d’Iqbal
l’enfant esclave
qui rêvait de tapis volants
comme elle
Iram pour qui cependant
rien n’a changé. |
Ghalib
Poser sur le ruisseau
un fin bateau d’écorce
et dans le caniveau
un bateau de papier
C’est pour d’autres
Monter sur un bateau
chargé d’espoir et de promesses
Affronter l’inconnu
sans terre à l’horizon
avec d’autres
nombreux
pour partager la peur
C’est pour toi
Tu ne sais pas nager… |
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Samia
Samia veut aller à l’école
Mais c’est trop loin
mais c’est trop cher
mais c’est une fille
Et ça et là
les filles ne vont pas à l’école
Et ça et là les gens
les gens
se rabougrissent
la vie s’en va à reculons
et rapetisse
Écrire compter
et puis sourire
pour que le cercle s’agrandisse
de ceux qui petit à petit
lèvent la tête et réussissent
C’est cela que voudrait Samia
et puis Karia, Imaan, Siri
et puis Maryam, Nimra, Zareen
Voilà pourquoi
de ci de là
les choses bougent
les cœurs frémissent
Les filles vont aller à l’école
Et c’est justice. |
Abdel
Tu cherches des trésors
dans les rebuts du monde
et le chant des oiseaux
Tu creuses et tu sépares
tu tries et tu choisis
le verre et le plastique
Tu en fais quatre sous de richesse
Les camions font la ronde
invitant les poubelles
au grand bal des tracteurs
qui dressent des montagnes
où tournent les oiseaux
Tu creuses et tu sépares
tu tries et tu choisis
le papier le métal
Tu disputes un croûton aux oiseaux
Et tu gardes ton rêve
à hauteur de nuage
Tu voudrais voyager
comme font les oiseaux. |
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Assâad
Refuge
Je revois ton visage
en entendant ce mot
Je te revois enfant
fuir et refuir sans cesse
le pays de la peur
qu’est devenu
le pays de tes pères
Il te faut
te lever repartir
avancer tant que le jour te le permet
et tu avances
malgré la paix devenue peine
malgré le pain devenu manque
Il te faut
faire et refaire halte
dans les maisons du vent
le dos collé contre la nuit
les mains ancrées
à l’affection des pierres
Il te faut
braver le froid des nuits
et l’écueil des grillages
où l’horizon devient
mille morceaux de ciel
Tu vas
tu ne sais où
mais tu vas car tu sais que rester
c’était s’étendre pour toujours
C’était s’éteindre. |
Tom
Si Tom est à genoux
ce n’est pas pour mendier
Si Tom baisse les yeux
ce n’est pas par désamour du ciel
Tom cire les chaussures
Tom fait briller les cuirs
Tom fait chanter les peaux
Et si les souliers brillent
lorsque les pieds s’en vont
c’est que Tom y a déposé
le jour entier et sa lumière
contre le soleil minuscule
d’une pièce
Juste pour redresser son dos
Juste pour relever la tête
et voir le ciel. |
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