La toile de l'un

Kimberley Blaeser

Kimberley Blaeser

Kimberly Blaeser, est un membre de la tribu Chippewa (Anishinaabe) et elle a grandi sur la réserve de White Earth dans le nord du Minnesota. Elle a également des ancêtres de souche Allemande. Elle est professeure associée à l’université de Milwaukee (Wisconsin) où elle enseigne la littérature Américaine du 20ième siècle, en mettant l’accent sur les auteurs Indiens d’Amérique du nord et l’écriture de la nature. Elle écrit aussi bien de la poésie que des essais et des récits. Elle a reçu en 1994 le prix Diane Decorah qui récompense un premier livre de poésie. Elle est spécialiste de l’œuvre Gerald Vizenor, un autre auteur d’origine Anishinaabe, très prolifique et dont les romans sont très remarqués pour leur humour subtil et dévastateur. Kim Blaeser vit sur une parcelle de terre  de bois et de marais située dans la zone rurale de Lyons, dans le Wisconsin. Elle aime les longues expéditions en pleine nature qui lui permettent de se reconnecter à la terre.

Tu connais cet Indien solitaire Assis sur ses franges de cuir Sur son cheval au sommet de la colline Le visage peint, tenant une lance Là juste sur la ligne d’horizon ? Ce gars-là a obtenu un doctorat Il est L’INDIEN autorisé à l’université Mankato Tate ou à Caroll College Les professeurs Indiens dans les universités de tout le pays Exhibent des A, pas B, pas C, juste le A rendu romanesque Pas vraiment de menace avec ça

Le vrai problème c’est L’Amérique qui ne sait toujours pas quoi faire des Indiens As-tu cherché tes bouquins dernièrement chez Powell ou sur la cinquante-septième rue  chez Saint-Livres ? Cherche d’abord à la catégorie folklore ou anthropologie J’ai trouvé en littérature noire le Wolfsong de Louis

Nom d’un chien ce n’est pas étonnant que nous vivions tous une crise d’identité Toi un poète ? Non, j’écris juste des trucs Indiens.

Initiés à la justice Le poids des cendres venues d’un campement incendié. Les tentes couvent sous le feu, les cachettes des animaux blanchies, leurs images mythiques racornies se replient sur elles-mêmes incinérées le tout en fragments de souffle d’os et de panier lourdement reposés coulés profondément tels des grenouilles hibernant. Aucune tempête de poussière capable de soulever cette histoire de perte. Aujourd’hui fertilisée par des générations– cendres sur cendres, cette vieille terre entre en éruption. Des chants de guérison s’élèvent comme brumes les souvenirs du bison blanc les empreintes de dents sur des écorces de bouleau des formes oubliées le tout tremble menacé dans son intégrité. Et les grises souches battues par les intempéries, arbres et traités sont abattus piétinés  pour l’amour de la richesse. Les plateaux du Potlatch ses forêts de fantômes ratissées par les ours adoucissent la pourriture vers l’intérieur jusqu’à ce que les minuscules flèches vertes des pousses se dressent s’érigent enracinées depuis chaque centre émietté. Certains ne riront jamais aussi facilement. Les couteaux se cacheront-ils vif-argent dans leurs bottes, noms accumulés comme s’ils avaient pu être volés aussi aisément que les terres, tapisseront-ils leurs murs de cartes et de promesses trahies, autant de cicatrices dans leur chair cet insigne fiché lourd comme les cendres.   Et c’est un poème pour ceux initiés depuis la naissance. Dans la matrice de votre mère nation les battements du cœur sonnent comme des tambours les tambours comme le tonnerre le tonnerre comme douze mille personnes en marche puis dix mille personnes puis huit mille s’en allant quittant les maisons qu’on leur a volé les campements qu’on leur a brûlé leurs proches sont tombés pendant qu’ils marchaient puis qu’ils rampaient puis qu’ils s’effondraient. C’est le son du pic-vert lors d’une ancienne retraite. Cela devient un écho, un récit à réconcilier. C’est le son des arbres tombant dans les bois quand on les écoute, le son des nations indiennes déchues quand on s’en souvient. C’est le son que nous entendons quand les poings rencontrent la chair quand les balles éclatent contre les poitrines quand les souvenirs sonnent creux dans les estomacs. Et nous faisons tourner ce son encore et encore jusqu’à ce qu’il devienne sol fertile sur lequel nous bâtirons de nouvelles nations sur les cendres de nos ancêtres. Jusqu’à ce qu’il devienne le grelot d’une révolution nouvelle ces doigts tapant sur le clavier.

Traduction de Béatrice Machet

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