Mes motivations
En premier lieu, la poésie se donne à entendre et cette expérience peut commencer très tôt, dès l’école maternelle, avec des textes adaptés à l’âge des enfants. La poésie contemporaine est une porte d’entrée riche vers le monde de l’imaginaire pour goûter le plaisir des mots et de la langue.
Mais c’est surtout le plaisir qui a guidé mes choix. Mon plaisir d’abord, celui d’entrer dans un univers « autre », qui est l’univers du poète et du poème avec ses lettres, ses mots, ses sons, ses images, ses émotions… et de motiver les élèves pour découvrir ce monde.
Puis, le plaisir des élèves qui reçoivent le poème, en toute liberté, sans aucune règle imposée. Je pense que la poésie se reçoit, sans nécessairement faire l’objet d’une étude spécifique de la compréhension, des techniques littéraires d’écriture… Chacun(e) ressent le poème différemment en fonction de sa culture, de son vécu et de ses affinités. Il n’y a pas toujours de retour sur les textes poétiques, que je lis à mes élèves. Il se peut que la lecture d’un poème nous mène vers un travail spécifique (en découverte du monde par exemple), mais il se peut aussi que cette lecture soit « seulement » offerte aux élèves.
Découvrir, s’imprégner, mémoriser
En général, dès notre arrivée en classe, je lis un poème aux enfants ; c’est l’un de nos rituels du matin avant de commencer la classe. En début d’année, ce sont des textes choisis dans des recueils divers et variés, d’auteurs aussi variés que divers. Depuis quelques semaines, les textes lus sont extraits d’une anthologie à thème, à partir de laquelle nous travaillons dans le cadre d’un autre projet autour de la poésie, en lien avec l’association des Amis du Printemps Poétique à La Suze/Sarthe.
Certaines lectures donnent lieu à des échanges spontanés ; mais, comme c’est un moment de lecture plaisir, je ne cherche pas forcément à expliquer les textes. Les élèves s’expriment librement et, depuis peu, ils mettent en relation les textes qui ont été lus.
Parfois, dans la journée, entre deux activités distinctes, il m’arrive de lire un autre poème. C’est un petit moment privilégié de la journée, comme une petite bulle, où l’on prend le temps de se poser, de se ressourcer et d’écouter.
Tous les textes lus sont ensuite affichés dans la classe (je les accroche sur le fil des poèmes) ; ils sont ainsi accessibles à tous à tout moment et j’offre chaque lecture à un élève qui peut garder le texte, le coller ou le copier dans son cahier, l’illustrer, le relire en classe ou à l’extérieur…
L’écoute de poèmes est un axercice parfois difficile. L’attention et la concentration ne sont pas toujours acquises. Au besoin, je donne une consigne pour faciliter l’écoute. Il peut s’agir d’anticiper à partir du titre, d’un vers ou de mots du poème. Ou, inversement, on essaie de se remémorer les mots du poème qui ont plu, ou qui ont rimé, ou qui ont donné lieu à des images… Chacun(e) est alors encouragé(e) à s’exprimer et à s’écouter.
Régulièrement, je sélectionne quelques-uns des textes lus (deux ou trois) et chaque élève choisit un poème pour l’apprendre…
La mémorisation des textes lus
(à travers la Récitation – version 2008)
Chaque poème lu a déjà été entendu en classe lors des moments de « lecture-partage ». Ensuite, chacun(e) est amené(e) à lire le poème silencieusement, puis je relis à mon tour à la classe et un échange s’engage, avant de faire son choix.
Quand le choix est effectué, on apprend en classe les vers du poème de la même façon qu’on apprend en classe une chanson. Par groupe, on répète différemment et à plusieurs reprises le texte, avant de l’interpréter personnellement.
C’est alors l’occasion de réinvestir les notions travaillées dans le cadre des ateliers de mise en voix.
La lecture à haute voix
Chaque vendredi après-midi, un décloisonnement entre les classes de cycle II d’une part, de cycle III d’autre part est organisé. Cinq ateliers différents sont proposés aux enfants de l’école sur 5-6 semaines consécutives. L’un de ces ateliers concerne modestement la mise en voix poétique.
L’objectif de cet atelier est encore une fois de susciter l’envie de lire et de dire de la poésie (un peu le parent pauvre de la littérature française à l’école), mais aussi de proposer des pistes aux élèves, pour démystifier et rassurer.
Chaque séance de travail (de 45 minutes à une heure) est articulée autour d’un thème de travail défini ; les principaux axes retenus sont :
- la respiration, le débit et le rythme de parole
- la posture et le positionnement dans l’espace
- l’articulation
- la position de la voix et la musicalité des mots
- l’intonation et l’interprétation du texte
Chaque séance se déroule en plusieurs temps : on commence toujours par un échauffement corporel et vocal, puis un exercice de concentration. On poursuit par une lecture de poèmes par l’adulte. Ensuite on enchaîne avec les exercices spécifiques de mise en voix (en fonction du thème de la séance). On conclut par des lectures d’enfants (ou moi-même) sur des textes de l’anthologie.
Les séances ont lieu dans une salle de l’école, où il n’y a ni table ni chaise. Les élèves sont tantôt assis, tantôt debout, très souvent en mouvement. En fonction des exercices, ils sont amenés à produire seuls, mais ils s’exercent aussi en binômes dans lesquels il y a un émetteur et un récepteur. On est alors très proche de la théâtralisation.
Avant la fin de la séquence, les élèves se construisent une grille de lecture poétique, qui reprend tous les points abordés. Ce guide reste un outil accessible dans le porte-vues de travail.
La dernière séance est consacrée à une production orale, individuelle ou à plusieurs voix, devant le groupe, à partir de l’ensemble des textes lus chaque vendredi. Prochainement, les élèves seront enregistrés au cours de cette dernière séance.
C’est enfin le moment où les élèves volontaires préparent des lectures en vue d’animations poétiques locales, telles que « Vendredi c’est poésie » ou encore la soirée de clôture du festival des Printemps poétiques de La Suze/Sarthe (en mai/juin).
Pour poursuivre cette expérience poétique avec les élèves, j’aimerais en fin d’année instaurer dans la classe un moment où chacun(e) pourrait échanger des poèmes qui les touchent ou qu’ils ont aimés. On pourrait imaginer par exemple la confection d’une « boîte à poèmes », où l’on pourrait glisser ses textes ou en emprunter (comme une bourse des poèmes). A plus long terme, cette boîte constituerait le matériau pour une anthologie de classe, à relier ou enregistrer en fonction des plaisirs..
Valérie Gillot