Le marais s’est posé près de mes bords tandis que je cherche des traces ajustées aux miennes je m’applique à devenir d’ici car je suis toujours petite feuille aux yeux bleus comme disait ma grand-mère ici j’écris mes livres d’heures je découvre mes ailes et je prie le vent : “emportez-moi dans une caravelle”….

Perspective flottante
Marais poitevin
Luce Guilbaud
Éditions Vincent Rougier, 2021
ISBN : 979-10-93019-69-7

Luce Guilbaud retourne sur ses terres d’enfance : le marais poitevin. Lent voyage initiatique dans un territoire aux frontières instables.

La géographie y est indécise. On y cherche « encore la frontière/ entre l’eau et la terre l’océan et ses rives  », « entre les vagues de l’océan/ et les étangs saumâtres  », l’eau d’une rivière « entre en océan et s’oublie ».

La limite est incertaine entre la terre et le ciel qui « se touchent intimement/ sur une ligne d’horizon où jamais nous ne serons  ».

Le voyage traverse l’histoire. Les vestiges du passé (« ses abbayes lointaines/ses pierres levées  ») se mêlent aux architectures de la modernité. « Dans les marais/tournoient maintenant les éoliennes/les temps nouveaux s’en viennent/après les temps passés ».

Les chemins sont chargés de souvenirs personnels et de mémoire collective. On y croise «  les tonnes d’anguilles petites filles/civelles ou pibales/ que l’oncle rapportait dans des seaux  » et «  les tours de La Rochelle/d’où partirent les ancêtres vers le Nouveau Monde  ».

Le regard porte loin, les espaces sont remplis d’odeurs et de sensations fortes, les paysages sont chargés d’émotion. Ce voyage en terres d’enfance pourrait n’être qu’une rêverie mélancolique tournée vers le passé. Ce n’est pas le cas. On assiste aussi à la naissance d’une créatrice. « J’étais au milieu des reflets/ sur la terre liquide en aspirations sournoises/j’inventais des strophes d’aquarelle  ». Luce Guilbaud retrouve avec bonheur les premiers pas de la peintre et poète qu’elle est devenue.

Michel Foucault