Roberto Cabrera (Espagne)

Roberto Cabrera (Espagne)

Espagne

Roberto A. Cabrera (lies Canaries, 1971) est professeur de philosophie. Il enseigne en lycée. Il a dirigé le supplément littéraire “Les Isles Estranges” (Las Jnsidas Estrahas) du journal El Dia et collaboré aux revues espagnoles (Paradiso, La Factoria Valenciana) et françaises fA ires, Propos de Campagne). En 1995 il a publié Le cahier bleu.

Te contemplas en el espejo. Sonríes. Quién responde.
A veces hay ruidos. Alguien al bajar la calle, sus pasos, un coche, varios, una motocicleta. Luego una voz débil. Una voz de mujer. La voz conversa sin vida. Un murmullo apagado que enmudece de pronto. Nuevos pasos. Alguien por la calle al sol. El paso es decidido, enérgico. Como si deseara oírse. Se aleja. Nadie.

En la ducha. Meditación sobre el agua, sus gotas, sus átomos infinitos. La lluvia golpea el rostro con dedos innumerables. Pensar et rostro que se deshace, lentamente. Rostro múltiple, disuelto, desplomado sobre el torso, confusión de gotas que se deslizan, dispersan, reúnen. Torbellino final, desagüe, abandonar la luz, caer, perderse.

Algo ha debido despertarte. Desde la ventana, sin abrirla, observas la luz del farol, su parpadeo amarillo. Pasa un coche.

Nada acontece.

La calima cubre hoy la ciudad. Amortaja las casas. El horizonte.
Ciudad transfigurada, suspendida en el fulgor gris del polvo. Ciudad penitente, abrasada por un fuego no visible.

Comenzar. Reescribirlo todo. Partir de la desnudez. Del simulacro de la desnudez. En el instante disgregador. Trazos, gestos, manchas de tinta. Relectura. Comenzar de nuevo. Signo tras signo.

Tal vez describir. Enumerar, secuenciar los hechos : una mesa, un libro abierto, esta cama, las palabras, la luz que se detiene, el aire, su quietud inaudible.
Permanecer. Detener la mirada en la luz. Una habitación, una cama, un cuerpo, un libro, la piel del aire, el silencio aquí visible.

(Elogio de la inmovilidad)

 

Tu te regardes dans le miroir. Tu souris. Qui répond.
Parfois il y a des bruits. Quelqu’un descend la rue, ses pas, une voiture, plusieurs, une moto. Puis une voix très faible. Une voix de femme. La voix parle sans vie. Murmure étouffé qui se perd. D’autres pas. Quelqu’un dans la rue au soleil. Le pas est ferme, énergique. Comme mû par le désir de s’entendre. S’éloigne. Personne.

Dans la douche. Méditation sur l’eau, ses gouttes, ses atomes infinis. La pluie frappe le visage de ses doigts innombrables. Penser le visage qui se défait, lentement. Visage multiple, dissout, effondré sur le torse, gouttes désordonnées qui fuient, se dispersent, se rejoignent. Tourbillon final, écoulement, quitter la lumière, tomber, se perdre.

Quelqu’un a dû t’éveiller. Depuis la fenêtre, sans l’ouvrir, tu observes la lueur du lampadaire, indécise, jaune. Une voiture passe.

Rien n’arrive.

Une brume de sable recouvre la ville aujourd’hui. Ensevelit les maisons. L’horizon.
Ville transfigurée, suspendue dans le gris fulgurant de la poussière. Ville pénitente qui brûle d’un feu invisible.

Commencer. Tout réécrire. Partir de la nudité. Du simulacre de la nudité. Dans l’instant destructeur. Traits, gestes, taches d’encre. Seconde lecture. Recommencer. Signe après signe.

Décrire peut-être. Enumérer, enchaîner les faits: une table, un livre ouvert, ce lit, les mots, la lumière qui s’attarde, l’air, calme, inaudible.
Rester là. Arrêter le regard dans la lumière. Une chambre, un lit, un corps. un livre, la peau de l’air, le silence ici visible.

(Eloge de l’immobilité)

CIFRAR el rostro. Ocultarlo bajo siglos. Enturbiar su proximidad.
La palidez del mundo desconcierta. Sobre el cuerpo, las sábanas, su blancor hiriente, como de mortaja nueva. Piensas : así ha de cubrirse el mundo.

Has despertado. La mañana ilumina tu rostro. Se levanta indefinida, distante. Cerrar los ojos. Negar la luz, inútilmente. Entonces piensas en el despertar, en su gracia animal, espontánea. Y piensas lo que debiera vivirse : despertar, sí, pero con la sencillez de un pájaro cuando despierta y alza el vuelo. Simplicidad irreflexiva de lo que vive. Pero tú piensas el acto de despertar, y con torpeza despiertas, con la misma ineptitud para la sencillez con que vives. O te alimentas. O sueñas.

CODER le visage. L’occulter sous les signes. Troubler l’espace autour.
La pâleur du monde déconcerte. Sur le corps, les draps, leur blancheur qui te blesse, comme d’un linceul neuf. Tu penses: c’est ainsi que se couvre le monde.

Tu t’éveilles. Le matin éclaire ton visage. Se lève, flou, lointain. Fermer les yeux. Nier la lumière, en vain. Alors tu penses à l’éveil, à sa grâce animale, immédiate. Tu penses le vécu, ce qu’il devrait être : s’éveiller, oui, mais avec la simplicité d’un oiseau quand il s’éveille et s’envole. Simplicité irréfléchie du vivant. Voilà que tu penses l’acte d’éveil et, maladroit, tu t’éveilles, incapable encore d’être simple dans ce que tu vis. Dans ce que tu manges. Dans ce que tu rêves.

Roberto A. Cabrera extrait de Disgregario, Editions Asphodel, 2002
Traduit de l’espagnol en français par Claude Held

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