Heid E. Erdrich

Heid E. Erdrich

Heid E. Erdrich a grandi avec ses sœurs, dont la célèbre romancière Louise Erdrich, à Wahpeton dans l’état du Nord-Dakota. Elle est Ojibwa et appartient à la tribu des Turtle Mountain (Minnesota). Heid a pendant vingt ans enseigné l’écriture créative dans les universités. En 2007, Heid a commencé à travailler avec des artistes Indiens plasticiens ou vidéastes, elle est maintenant conservatrice de musée. En 2010 elle a créé une maison d’édition, Wiigwaas Press afin de publier des textes dans la langue Ojibwa. Elle est régulièrement invitée dans les universités, les bibliothèques, elle offre des ateliers d’écriture et des lectures. Un des projets récents de Heid est de publier un livre de cuisine sur les recettes des Indiens, livre initié par le mouvement indigène pour la nourriture du Minnesota. Heid a écrit quatre livres de poésie, a co-édité une anthologie de textes et poèmes écrits par des Indiennes vivant dans les communautés Indiennes et sur les réserves, intitulé Sister Nations. En 2009 elle a reçu le prix littéraire Minnesota Book Award, pour National Monuments, édité par Michigan State University Press. La caractéristique du travail de Heid est qu’il incarne à la fois la tradition (orale) et l’innovation. Sans revendiquer une indianité stéréotypée, Heid s’empare des sujets de la société actuelle, des caractéristiques de notre époque comme les sciences, la technologie, facebook, d’une façon qui nous fait partager son regard Ojibwa, sa culture. Vous pouvez visiter son site.

Vrai mythe

Dites à une enfant qu’elle est composée de parties (ses quarts Ojibwa, son demi-cœur Allemand) elle trouvera l’existence des harpies facile à avaler. Les enfants des livres de contes ne s’approchent jamais de son mélange, mais les manticores* se font grand-oncles, le Sphinx un cousin autorisé, l’amour des centaures préférable aux garçons – du moins la part cheval, qu’elle peut chevaucher. Avec un bestiaire en guise d’album familial elle est fière. Son amas de couvertures, son large sourire de poubelle, prouvent qu’elle est la descendante des ours, son totem, c’est vrai. Et cette sorcière Allemande dont le toit est fait de sucreries, elle est son ancêtre aussi. Si les cygnes peuvent faire pleuvoir un rapt blanc depuis le ciel, alors qu’est-ce qu’une fillette fera? Faites confiance à ses yeux Indiens, à son espiègle sourire Français, à sa poitrine veinée d’un bleu laiteux écrémé – Elle est le véritable mythe.

*les manticores, sont des créatures mythologiques Perses, elles ont un corps de lion et une tête humaine. En Espagne elles étaient le symbole d’un mauvais présage.

Comme nous marchons Malgré la neige qui reste et la glace qui mord, il me sort tous les jours. A grands pas nous faisons le tour de l’étang, des immeubles d’un côté et des eaux calmes de l’autre. Nous marchons et parlons du travail, rions au sujet des enfants, puis abordons le sujet de l’argent. L’argent ceci l’argent cela, qu’il y en ait assez et tout ira bien, et l’argent, l’argent, l’argent, puis il s’exclame : « regarde ! Un vison !’ Deux visons, noirs et satinés contre le blanc de l’étang gelé, bondissant de-ci-delà, ils se poursuivent sous la croûte de neige gelée, avec vivacité ils amorcent des virages hardis. Nous courons jusqu’à la limite fondue pour les regarder vaciller, rebondir, traverser la fine pellicule de glace si brillante que nos yeux piquent et se fatiguent. Ils disparaissent sur le bord de l’île. Nous continuons de marcher, étonnés, pleins de joie. Nous parlons des traces des visons, de la glace et (un peu) d’argent. Son œil me sauve, m’offre la beauté au quotidien, relève les traces, remarque la coquille d’œuf, l’aigle quand il passe, quelque chose de merveilleux chaque jour. Nous marchons de cette façon.
 

Fiole

Récemment, le contact avec le monde extérieur a permis aux Karitiana d’avoir accès à internet, c’est comme cela qu’ils ont découvert que leur sang et leurs échantillons d’ADN étaient vendus en ligne.

Tube de rouge comme un bâton à lèvres, peinture de la passion, réglé pourtant non payé, chapardé tel un vulgaire larcin commis au magasin.

Doigt de verre mince fiole d’ADN à vendre pour le compte de non-bénéfices pourtant non-achetés non-réglés.

Remède promis, Karitiana, indigènes Amazoniens, sang offert contre rien.

Rouge et riche sang de la colère versé de peur

à cause du prochain monde voulant le corps tout entier, chaque goutte comptabilisée pour…

Quand ils auront tout vendu, ils reviendront en prendre plus.

Grosse en Amérique Ce n’est pas une blague. Elle est grosse et heureuse aux Etats-Unis. Le genre de femme qui a toujours de nombreux amants—et pas que des pervers. Vous pensez qu’elle ne peut pas être aussi grosse que ça. Et bien si. Elle a des plis de chair à l’arrière du cou—ses joues-demi-lunes lui avalent les yeux—ses yeux sont des olives enfouies dans le tout du beignet—son menton se fait double quand elle rit, et tremblote quand elle parle—ses épaules sont larges voire la taille XXL prévu pour les hommes. Ses seins sont vastes. Pas d’autre façon de le dire. A moins que nous disions qu’ils sont des globes de chaleur et qu’elle nourrit les nations. Oh, elle a maintenu la tête de ses amants ente ses seins-là pour tout couvrir sauf le début de calvitie. Et pourtant elle a une taille, mais évidemment retranchée derrière une riche couronne de ventre—ses hanches s’élèvent bibliquement (monts, colombes, blé, collines) rien n’est assez fertile pour les décrire, sauf les grandes plaines où elle est née. Oui, ses hanches sont comme une terre de rapport. Et la vallée entre ? Un endroit secret magnifique, une gorge de fougères et de chutes—ses cuisses sont des sacs de grain, une moisson—ses mollets des troncs de sculptés, du marbre. Et ses pieds ? Ah ! Ceux-là sont le socle de la foi—saint, ronds, et solides.

 Traductions de Béatrice Machet

Remerciements à New Rivers Press, the University of Arizona Press, pour  leur aimable  autorisation.

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