Christian Roger
COULEURS
Collection « la poésie la vie »
Éditions Saint-Germain-des-Prés
Voici quelques extraits
Longue queue leu leu
Sans un sourire
Dans un soupir
Temps de chien
Qui ne remue même pas la queue
Hein c’est vous dire
Queue à lumière blafarde
Entre chien et loup
Loup de satin noir boueux
D’un diable qu’on tire
Soupire
Par la queue
Leu leu
Entre chien et chat
Auquel on a donné sa langue
Pourquoi chercher à comprendre
Queue de poisson
De poisson rouge
Queue de cochon
En tire-bouchon
Et coule la tsuica (1)
Pour oublier tout ça
Queue de rat.
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(1) tsuica: eau de vie de prune.
NOUS N’IRONS PLUS AU BOIS…
Y a jamais d’eau dans le gaz
L’un et l’autre sont coupés
Je ne suis pas au courant
Dit la lampe hébétée
Peu me chaut dit le radiateur
Glacé d’effroi
Je n’ai jamais froid dit le réchaud
Mais moi
J’ai horreur du lait qui déborde
Et quand il passe par dessus
Ça me met sens-dessous-dessus !
Heureusement
Entre nous
Ça ne gaze pas fort ce matin
Ya de l’électricité dans l’air
Le courant, il est coupé
Et ha ha! je me marre
Y a que de l’air
Dans les bouteilles à lait
Arrête de renifler
Couillon de robinet
Car ça vaut du liquide
Puisque les petites coupures
C’est sûr
Font les grosses devises
Grosses bises
Et vive l’anti-monte-lait!
J’ai tout chauds dans mes yeux
Des yeux doux de misère
Des yeux de Florica
D’autres sans nom là-bas
Douceur d’un lent éclair
Qui n’en finirait pas
J’ai tout doux sur mes lèvres
Un goût de petit vin
Solennellement sucré
Un verre de communion
Solennelle et sacrée
Parce qu’il y a quelque part
Des gros coeurs
Gros comme ça
Qui n’ont rien à compter
Sur leurs pauvres dix doigts
Flétris et méprisés
Mais que rythme dans l’âme
L’humble et noble partage
De ce qu’ils n’ont presque pas
J’ai tout chauds dans mon cœur
Ces gros jolis cœurs-là.
Je te décline
En toute responsabilité
Limitée
Ma gabonne à tout faire
Au Gabon le bon gars
De la bonne fille
De joie
Aux chouettes airs
De faire
La fête
Ah bon?
Non non
Entre tes quatre planches
Etanches?
Ta liberté
En tôle ondulée
Des hanches
Tu n’es pas noire
Tu n’es pas blanche
Marie se marre
Marie marron
Et moi je la décline
Franchement CFA
Comment Faire Autrement
Dis-moi !
Vivre la mort
De ceux qu’on vit
C’est vaincre le vertige
Au bord du trou
Qu’a creusé
Définitif
Le fossoyeur
Dans une tête arable
Et par lequel
Obstinément
Refusent de s’évaporer
D’exquises sépias pas sèches
Qui collent à la peau
Vive
Des impossibles mues
C’est se faire poisson d’avril
Dans l’onde tiède
De ses larmes croupissantes
Et siffler dans le trou
Solitaire
Et attendre l’écho
En suçant doucement
Une intime aspirine.