J’ai grandi sous les nébulosités
Du ciel de Picardie
Enfant dissipé par ces formes étourdies,
Bercé par l’Aisne aux sinuosités
Si douces aux poissons,
Qui laissèrent tant de S à Soissons.
Là, les méandres de l’histoire injustement
S’entêtèrent à tant d’affrontements.
Là, de ces rivages au pied de ce plateau,
La mémoire hantée des mutins au poteau
Parmi ces champs qui sont avant tout de bataille,
Moi, j’ai pris la pluie et poussé comme la paille.

C’est cette pauvre piste abandonnée
Que la géographie m’a donné.
J’ai dû faire mon trou parmi ses trous d’obus,
J’ai joué dans la boue où se battit Barbusse.
Mes jeux étaient la guerre, mes jouets des armes ;
Des billes, les shrapnells volaient le charme.

Alors que l’on pardonne donc ce ton grave
Mais mon berceau fut le grand tombeau d’enfants braves.
Mes excuses pour ce pessimisme qui plombe
Avec la lourdeur surréaliste des bombes,
Mais j’ai dû porter sur ce plateau indomptable
Au moins deux guerres mondiales dans mon cartable.
J’avais la tête blonde
Et je parcourais le Chemin des Dames
En récitant la prière de Francis Jammes,
Vers après vers, tombe après tombe.

Gabriel Pottier