Je n’ai pas les mots
parce qu’ils sont tous partis
dans mes poèmes :
il faut savoir vider son cœur
pour pouvoir le remplir,
puis l’ouvrir comme une mangue :
regardez,
je ne dis rien mais je suis bavarde de souvenirs.
Je n’ai pas les mots :
j’ai commencé à écrire
le jour où j’ai compris
qu’en vérité les grands chagrins d’amour
sont souvent des grands chagrins d’avenir.
Ils renversent le futur,
ils cognent les espoirs,
quand on aime, on abîme ses douleurs,
on s’invente à partir d’une fossette
un tout petit bonheur.
Je n’ai pas les mots mais j’ai le reste :
le sourire facile et la paupière basse,
la colère simple et le rire de l’enfance.
Pour un seul mot de vous
j’ouvre en moi des cachettes
où vos paroles deviennent
de si jolis silences.
En l’absence du capitaine
Cécile Coulon
Le Castor Astral, 2024
ISBN 979-10-278-0375-0
9,90 €
Comment dire le bonheur que procure la lecture de « En l’absence du capitaine » de Cécile Coulon ? À chaque page ou presque, on se surprend à penser : comme c’est vrai et comme cela est joliment et simplement dit. Avec toute l’affection des mots joli et simple. « La mémoire est une amie qui ne m’a jamais déçue » .
Dans la première partie du livre, l’auteure évoque la perte d’un être plus que cher : sa grand-mère. Elle est tellement présente tout au long des pages que l’on finit par oublier qu’elle est partie. Elle vit. « Ne t’en fais pas : / je passe mon temps / à ne pas t’oublier » .
Et, remplie de souvenirs, de mémoire des paysages, de volonté, elle trouve la force de « Continuer » , titre de la seconde partie qui est un éloge de la vie, des passions mais aussi du quotidien. Tout cela avec le souvenir des ombres bienfaitrices qui consolent et font s’interroger et aller de l’avant parce que « la beauté vient quand elle veut / retourner la terre où l’amour est caché » .
La beauté des mots et la grande musicalité des phrases emportent le lecteur. « Je sens que se rassemblent en moi l’avenir et le passé : / donne-moi ta main que j’y cache tout mon temps » .
Robert Froger