Françoise Lison-Leroy vit en Belgique. Elle y est née en 1951, dans un village du Pays des Collines. Elle habite près de Tournai, où elle enseigne le français et participe à la page culturelle du journal Le Courrier de l’Escaut.
Elle publie de nombreux livres de poésie et quelques recueils de nouvelles. Avec Pays géomètre (L’Age d’Homme, 1991), elle a obtenu le prix Max-Pol Fouchet. Ses Histoires de Petite Elle (Luce Wilquin, 1996) ont été rééditées par Labor (1999). Quelques ouvrages sont destinés aux enfants, tel Marie-Gasparine (Le Dé Bleu, 1999). Dans Celle que l’été choisit (Rougerie, 1999), on trouve selon Carl Norac, « un souci aigu de la forme, un lent assolement des images, un impressionnisme de la concision ».
Aux Editions Esperluète, elle publie Sans mots, illustré par Anne Leloup, ainsi qu’un livre pour enfants, Je n’ai jamais dit à personne que, en collaboration avec Colette Nys-Mazure et Montse Gisbert, et le recueil Commencer par le soir, avec des photographies de Sylvie Derumier. Elle signe également deux titres récents : Les bouloches (2012), illustré par Pascaline Wollast, et Pierrot de rien (2014) avec des dessins d’Anne Leloup.
L’incisive, paru en 2005 chez Rougerie (F), a reçu le prix de littérature Charles Plisnier.
Françoise Lison-Leroy réunit ici un ensemble de textes, autant de fragments qui se répondent et se mêlent. Régulièrement, elle propose ou rappelle de « commencer par le soir » pour aller de l’avant.
On y rencontre des « femmes qui n’y vont pas par quatre chemins », un homme du soir, un autre qui écrit des lettres… On s’imaginera retrouver ces figures au fil des pages, des lieux évoqués, des sentiments partagés ou défaits. On retrouvera, à travers cette écriture tissée, les thèmes qui sont chers à l’auteur, ou mieux, qui lui sont essentiels.
S’il est vrai que la photographie parle de l’instant, Sylvie Derumier nous montre ici qu’elle peut aussi relayer la mémoire. Elle parle de l’enfance, de la frontière, de la nature, de ce qui se détruit, de ce qui vit… autant de thèmes qui épousent parfaitement le livre.
Voici quelques extraits
Assise à l’arrière de la voiture, elle regarde
filer le pays. Peupliers et clôtures, maisons et
jardins : géographie en fuite.
Elle voudrait retenir un sapin, une allée. Entrer
dans la fugue, ou sauter à pieds joints dans le
tableau.
Mais elle fait reculer l’horizon.
Train de nuit. Ver luisant lancé à la chasse
aux abîmes. On y devine un chapeau, des vali-
ses. Le vent n’a que faire de son souffle.
Les arbres hennissent un à un. Quelques mai-
sons sortent leurs griffes. Même la lune bave
et fume.
Le train s’éclipse, toute une meute à ses trousses.
Pieds nus devant le soleil, à l’heure de
l’éclipse, tu te sens provisoire. Tu jures que
seul l’essentiel retiendra désormais ton sillage,
que tu ne laisseras plus prise aux bannières.
Tu accueilleras l’infiniment seul. Tu balaieras
prétentions et pouvoirs.
L’astre noir nous rend égaux. Comme le fait la
mort.
Avant de mourir, elle a bouclé sa vie comme
on ferme un bagage. Comme on se forge un
viatique.
Un message aux voisins, un autre à la bou-
chère. Des livres à ceux qui les aiment. Le bé-
ret bleu au filleul randonneur. Gravures et
timbres-poste aux écolières brevetées. Les ce-
risiers et l’aubépine à la reine du jour.
Ailleurs, un peu d’elle fera fortune.
Les mémoires commencent par l’enfance.
On les écrit quand la guetteuse lance ses flo-
cons, ses pur-sang messagers.
Le clavier s’emballe et fait feu de mille signes.
Des prénoms s’alignent tout seuls. On a peine
à tenir les rênes d’un torrent frondeur, qui
charrie tourments et valises.
Une touche efface le grand oeuvre. Il faut com-
mencer par le soir.
Tu cherches un livre. Il disait que.
Cette page absente, c’est ta vie. Tu en connais
le nom, la géométrie, l’odeur.
voilà,
Elle se dérobe, offrant cent lignes ordinaires
dont tu te passerais bien. Pourtant elle.
Tu reprends ta quête patiente. Et
vacante alliée. Ce n’est pas là que tu l’atten-
dais. Ta mémoire se joue des mille certitudes.