Martin Zeugma

Martin Zeugma

À propos de Martin Zeugma

Martin Zeugma est né au milieu des années 70. Il a commencé à écrire à l’âge de 13 ans sur la machine à écrire à ruban de sa mère, qui enseignait le secrétariat. Dès lors, il n’a jamais arrêté, même s’il a souvent changé de machine.

A ce jour : 258 textes publiés (poèmes, nouvelles, articles, réflexions et études bio-bibliographiques
sur jean-pierre duprey et paul valet) dans 81 revues francophones (france, belgique, suisse,
sénégal, canada, haïti, cameroun).

Participation à des anthologies :
* « à l’assaut du ciel », éditions la clef d’argent, 2021 (« en commun », nouvelle fantastique).
* « rouge », éditions luna rossa, 2022 (« il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 12/100 », poème).
* « si je te trouble », éditions alopex, 2023 (« l’autre nudité », nouvelle érotique).
* « paris », éditions luna rossa, 2023 (« il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 57/100 & 58/100 », poèmes).
* « lumières des ports », éditions luna rossa, 2024 (« il n’y a pas de port sans horizon », poème).
* « à pas de velours », éditions luna rossa, 2025 (« le chat », poème).

Entretien :
* dans la revue mozaïk n°13 (2024), aux pages 425 à 430 : https://www.mozaik-oi.com/magazine

Voici quelques extraits d’un recueil inédit intitulé « Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite »

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 9 / 100

à tant écouter mes points de fuite inaudibles
tu m’es arrivée pour toute réponse
grain parmi les grains dans l’horloge de sable
comme un souvenir revenu d’exil

corps parmi les corps laissés sur mon sentier réticulaire
quand après une déflagration on cherche les morceaux de soi-même
et que dans la géographie des voies on en arrive à se poser cette question
combien de silhouettes peut-on faire entrer dans la même ombre

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 17 / 100

je t’ai lue comme un ciel d’été saturé de bleu et de pluie d’orage
lue comme un dragon terrassé mais qui n’est pas tu
lue comme la pudeur des gestes et l’impudeur des regards
lue sur une carte en tant que port d’attache en tant que longitude latitude certitude

je t’ai lue si rouge couleur du sang couleur des coquelicots et de tes joues
et je t’ai lue qui brûles et à te consumer
et je t’ai lue à te respirer et à te manger et à te dormir à devenir toi
moi qui croyais ne pas savoir lire

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 19 / 100

quant à ceux qui ne regrettent rien ils sont menteurs sans arrogance
on regrette tous un jour ou l’autre d’être né dans une gifle de réalité
un soir de verre en trop un jour d’amour en moins
un de ces matins où l’on déteste ses parents de nous avoir conçus

un de ces matins où l’on doit se lever pour aller enterrer sa grand-mère
un jour où les années sont passées trop vite un soir où l’on regarde trop nos rides
quant à ceux qui ne regrettent rien ils sont bonimenteurs à n’en plus pouvoir s’endormir sans veilleuse
on regrette tous un jour ou l’autre de devoir mourir

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 27 / 100

aujourd’hui j’ai les lèvres sèches comme un plateau d’Abyssinie
pour peu que l’on y creuse on pourrait y trouver
les fossiles de nos baisers
tout imprimés d’insatiété et de la marque de tes dents

j’ai brisé toutes les grelinettes aux sols craquelés d’aridité
je me souviens de tous tes mots mais ta voix n’a plus d’écho
cet écho s’est perdu dans son oubli cunéiforme
aujourd’hui je respire mes souvenirs ils ont l’odeur de tes cheveux

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 33 / 100

dans un souvenir de chevelure
mes mains s’auréolent de ta blondeur
mes mains se prennent pour les orpailleurs clandestins de mon bonheur
dépositaires de ce qui cherche à se dire

mais où donc est parti désormais le courant qui portait mes galions
vers un périple invraisemblable
de dentelures de sens et de leurres de sirènes
de secondes qui battent avec tant de lenteur

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 46 / 100

c’est si court une année c’est si long une année
on peut faire une révolution en une année et se croire immobile
on peut naître on peut mourir en une année
on peut voir un pays disparaître le feu tout ravager ou l’eau tout submerger

c’est la page d’une vie c’est la vie d’une page
c’est trois jours au soleil (pourvu que tu sois là)
c’est dix mois sous la glace (sans toi sans toi sans toi)
c’est la photographie d’une autre galaxie (si lointaine qu’elle n’existe plus déjà)

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 50 / 100

je suis arrivé au bout de ce monde
de ce territoire dont on ne revient pas
faraud des vertiges de ton absence
dans ce fragment du jour qui meurt où tout devient urgence

j’ai vécu en métèque de toutes les métèqueries
et par inadvertance dans un lit étranger j’ai fini par comprendre
que les corps et la vie se perdent
dans trop de politesse ou dans trop de violence

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 55 / 100

dans ton corps qui meurt maman dans ton corps qui meurt
je me suis vu mourir maman je me suis vu mourir
dans ton corps qui meurt maman est mort le jour où je suis né
est mort ton utérus est mort ton sang sont morts tes bras maman

dans le temps qui passe tu sais dans le temps qui passe
passent les baisers et les souvenirs
dans les heures qui fuient les regards fuyants passent dans le temps
où tu meurs maman où tout s’évanouit et où tout s’oublie

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 61 / 100

comme dans un manège de fête foraine
qui tourne dans le sens des aiguilles d’une montre
on y conduit (rien du tout) on y klaxonne (personne) on s’y envole (nulle part)
empli de cette inaptitude au bonheur

qui nous fait voir que c’est toujours quelqu’un d’autre qui récupère le pompon
à chaque tour de cadran (de cette montre qui ne conduit nulle part)
et comme sur le marchepied du départ
s’emplissant de l’échec comme de l’encre un buvard

Il y a des soirs qui sont si doux qu’aucun matin ne les mérite 85 / 100

mais que c’est triste de rentrer chez soi
dans cet antre peuplé de tous ces vieux objets
pleins de nos souvenirs de nos tristesses et de nos rêves poussiéreux
figés au glacis dégueulasse de l’espoir

rouvrir la porte de chez soi
c’est enterrer ce voyage qui nous a ravis à la lassitude des mêmes matins
à celle de revoir les mêmes trognes (qu’on déteste)
et de ressasser nos rêves poussiéreux (qu’on ne réalisera jamais)

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