Allons, oui, décidément, tout le monde est capable du poème comme tout le monde est capable du vent et de l’arbre. Même l’enfant nouveau-né en est capable et en a le besoin car il lui faut savoir dès le premier jour qu’il y a une autre langue que la langue de nécessité ou la langue qui décrit et raconte pour enseigner ou rassurer, que cette autre langue est pure parole, une parole qui ouvre à la vie et en retient la meilleure part, la simple et fragile joie d’être, l’émotion d’une vie commune et partagée. Une parole qui est promesse de vie intense. Que serait une vie sans poésie ? Une rivière sans eau. La poésie est en effet ressourcement et tout poème un geste fraternel qui indique la source. Sans la poésie, quels qu’en soient les moyens, notre existence est vouée à n’être que la succession hâtive et épuisante de faits, de pas, de gestes qui occupent la vie sans l’habiter. |  |
Petit éloge de la poésie
Jean-Pierre Siméon
Collection Folio
Éditions Gallimard, 2021
ISBN 978-2-07-289380-3
2,00 €
Poète, dramaturge, éditeur, Jean-Pierre Siméon, qui fut Directeur artistique du Printemps des Poètes de 2001 à 2017, publie ce “Petit éloge de la poésie”.
“Je veux faire l’éloge de la poésie pour tous, non pas, voyez-vous, comme un agrément, un ornement de l’existence ou le partage de je ne sais quelle distinction supérieure : comme une nécessité vitale”.
En professeur agrégé de lettres modernes, il sait argumenter son propos.
“La poésie postule une autre manière d’être, une autre façon de la vie, une autre façon d’habiter le monde”.
…
“L’état de poésie, c’est ensemble un désir furieux d’appréhender, d’apprendre et de comprendre, et un amour désespéré de la vie insaisissable”.
…
“Tout poème au reste est un départ qui nous fait quitter le lieu des réalités convenues et le langage convenu qui les amarre au bon sens pour rejoindre loin mais au plus près de nous-mêmes le foyer ardent de nos vies”.
Tout cela n’empêche pas l’auteur de finir par cette phrase remplie d’humanité et d’humilité : “La poésie sinon rien ? Oui, probablement”.
Robert Froger