Abris
Les nouvelles du jour sont épouvantables
comme celles d’hier
et de l’avant-veille
À l’instar des abris anti-aériens
des abris anti-nucléaires
il devrait y avoir
des abris anti-atrocités
anti-désastres
anti-matraquage de discours
de sons et d’images
des abris anti-mensonges flagrants
bassesses, veulerie
et langage ordurier
Il devrait y avoir
des abris anti-haines
anti-désespoirs
des havres
les plus modernes soient-ils
où il fait bon se retrouver
entre personnes de bonne compagnie
pour partager un moment de silence
et si le ventre crie famine
une galette et quelques olives
le temps que le cauchemar passe
avant de sortir
et reprendre une vie normale
Presque riens
Précédé de L’Espoir à l’arraché
Abdellatif Laâbi
Le Castor Astral, 2025
ISBN 979-10-278-0817-5
20,00 €
La poésie d’Abdellatif Laâbi c’est « un cœur qui bat. Que l’on sent battre ». L’humanisme de l’auteur n’a d’égal que sa lucidité. « Le cœur, un baromètre très fiable du degré de barbarie atteint, selon les époques, par l’espèce dite humaine ».
Le présent livre propose une édition revue, corrigée et augmentée de deux recueils majeurs épuisés : « Presque riens » et « L’Espoir à l’arraché ». Tout est passé au microscope de la réalité : les contradictions de l’auteur, les souvenirs des années de prison au Maroc comme prisonnier politique, les religions, l’actualité du monde, les sensations intimes, le futur, ce que l’on laissera… ou pas, les douleurs du temps qui passe, la mort, « l’autre rive », « le monde d’à côté ». Tout cela jusqu’à la question posée au poète : « Que restera-t-il de ce qu’il a écrit disons dans cinquante ans ? ».
Abdellatif Laâbi est à l’heure du bilan mais son bilan regarde toujours vers demain, « jusqu’à la disparition de tous les horizons et la venue du règne magnanime du silence ».
« La poésie qui ne fait pas battre le cœur m’agresse et me chagrine ». Imagine-t-on ne plus l’entendre ?
Robert Froger