Voici quelques extraits
Le matin,
je vide ma tête
des cendres accumulées
pendant la nuit.
Ça fait un petit tas
de pensées carbonisées,
de remords recuits.
La fille de l’autocar
souffle dessus.
Il s’envole.
La fille de l’autocar
aime les secrets.
Ce qu’elle pense
virevolte, insaisissable…
Je ferme le poing
pour saisir quelque chose
mais quand je desserre les doigts
il n’y a que son sourire
au creux de ma main.
À travers ce paysage
que je connais depuis toujours,
la fille de l’autocar
c’est la surprise qui fait battre le cœur.
Chaque parcelle de son corps
est une terre sauvage à explorer.
Lorsque la fille de l’autocar
s’assied sur la banquette,
je m’enfonce dans l’inextricable jungle
de mes sentiments.
Est-ce bien moi
qui suis monté dans l’autocar?
Est-ce bien la plaine
qui défile derrière la fenêtre ?
Autocar, plaine, fenêtre
n’ont-ils pas eux aussi
un endroit
et un envers ?
À travers les vitres
de l’autocar :
rien
qu’un épais
voile de brume –
est-ce cela
ce qu’on appelle
la solitude
dans la solitude?
Trois arrêts sur le parcours.
Au premier,
la porte s’ouvre
la chanson du merle
monte à bord.
Au deuxième,
la porte s’ouvre
une fleur de paulownia
monte à bord.
Au troisième,
la porte s’ouvre
le ciel aplatit sa grosse langue bleue
sur ma joue
et monte à bord.
La fille de l’autocar
dessine des oiseaux
sur des petits bouts de papier,
mésange à longue-queue,
martin-pêcheur,
troglodyte mignon…
Comme eux,
elle laisse parfois tomber une plume
qui doucement
effleure les différentes couches de l’air
avant d’atteindre le sol,
promesse d’un ciel si proche
qu’on pourrait l’embrasser.
Renfrogné, mal luné,
bourru,
je prends le petit matin
par le col et le secoue
pour en faire tomber la pluie.
Aujourd’hui
tout m’exaspère,
les roulis de l’autocar,
les champs au regard vide
et même les jonquilles
qui fleurissent sur les ronds-points…
Quand soudain,
je tourne la tête
vers la fille de l’autocar !
Le soleil sort du bois.