vêtements

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À Michelle,
entrée à l’usine à 14 ans

Tu as accroché tes rêves au vestiaire. Ta blouse grise cache mal la splendeur de tes hanches. La colle et l’acétone décapent jusqu’au sans la peau de tes doigts que tu emmailloteras ce soir de gaze et de velpeau. Les gens diront que pour une fille d’usine tu fais bien du chichi en portant des gants avec le vieux manteau de ta mère. (…/…)

Régine Albert – Un paradis qui bouge dans la mémoire
© Écho Optique, 1994

 

Le père Noël est un vieux chômeur solitaire qui admire les reflets de sa houppelande et la chaleur de son étoffe. Il donne un ticket aux enfants pour une réduction-surprise à l’intérieur du grand magasin. Avec sa tête de vieil ermite, il se plaît sur le catalogue au milieu des magnétoscopes et des congélateurs qu’il n’a jamais eus. Le soir, quand il se déshabille avec tous les Pères Noël du vestiaire, il est triste de retrouver son vieux blouson, la nuit glacée, sa maison vide. Mais, s’il ne fait pas de tache durant quinze jours sur sa fausse hermine, l’an prochain peut-être ils le reprendront.

Jean-Claude Martin
Le Tour de la question – le dé bleu & Le Noroît, 1990

 

Les hommes aussi portent des vêtements blancs
c’est le signe
des toiles blanches fines et nonchalantes
ils ont déjà aimé beaucoup ou jamais
dans le livre la vie est la blancheur du désir
ils marchent sûrs et en attente
dans le nom d’un amour
le pantalon bouge doucement sur leur cuisse
la chemise blanche le pantalon les chaussures blanches aussi
dans un grand hôtel au bord des tennis
elle, regarde les hommes
de l’autre côté des grilles
l’élégante blancheur du temps du désir
elle,
mendie

Patricia Cottron-Daubigné
Au cœur battant

 
Un soir – je croise
ma robe vendue un jour
de vide-grenier.

La femme est belle et la robe
a refait sa vie – c’est bien.

© Pascale Albert

 

Le soleil tombe
sur le tissu fatigué du velours.
Le pantalon est plié sur la chaise.

Après les premiers jours de l’été,
le T-shirt me colle à la peau,
dans le courant d’air du magasin.

J’enfile une chemise,
le vigile sourit en passant,
quelque chose dérange
dans la lumière vide.

© Erwan Gourmelen

  Au bord des neiges
le berger des légendes
sous sa hotte de montagne

Il veille la rondeur
des laines et des pierres

mais dans ses yeux passe et repasse
la huppe messagère
son peigne de soleil
son sillage d’oiseaux
en fuite vers les dunes

Et la nuit améthyste
enroule sur lui
sa djellabah de lune

Jacqueline Saint-Jean
Atlas secret – éditions Amrash)

 

 

On déplie pour l’égarée
la carte bleue des lins.
L’haleine de juin
pèse le pollen des mots.
Le ciel semble à portée de mains,
peut-être plus !
Ce que l’enfance a laissé s’éclaire,
en quête de légende.
De la phrase, à peine,
au hasard de la peau,
souvenir-satin
d’un corsage tendu de sèves.

© Gérard Cousin

Eblouissante,
sa robe plissé soleil
me réchauffe le coeur.

©
Régine Albert

 

L’épouvantail

Vieil épouvantail
veste en velours et béret
perchoir à corbeaux

©
Lucien Guignabel

Un mardi en avril

Un bonheur naïf est ici
dans la petite sourdine qu’a posée la campagne :
chiens au loin, tourterelles, cheval,
l’air…
quand on rentre le linge seul
au retour de la ville, du travail et du bruit
les pieds dans l’herbe du grand pré
les mains lentes décrochant une à une
des pièces de couleurs
dans la dernière heure du jour
un mardi en avril.

© Bernard Bretonnière
Ce qu’il faut de patience – le dé bleu, 1999
(Écrit à la Boucarderie, Vigneux de Bretagne, le 11 avril 1995)

 

En slip

Me suis réveillé
En retard
Pour mon rendez-vous amoureux
Affolé j’ai sauté de mon lit
En slip
Et j’ai descendu les escaliers
À toute vitesse
En slip
J’ai pédalé comme un fou
En slip
Grillé les feux rouges
En slip
Roulé sur les trottoirs
En slip
C’est culotté
Suis passé devant la concierge
En slip
Et j’ai sonné à sa porte
En slip

J’ai mis un point d’honneur
Pour être à l’heure
L’exactitude
Est la politesse des rois

© Salvatore Sanfilippo

Lorsque je serai nue dans le poème

Il vous semblera peut-être

Qu’une ombre aura tatoué mes rides


N’y touchez pas Elle vous mordrait


Mettez-vous à chanter un lieder
Un psaume une complainte

Ôtez à votre tour un à un vos vêtements
Puis couchez-moi dans le terreau de vos prières


© Béatrice Libert, inédit, 2014.

ah la belle réussite qu’ils disent
réussite en gants blancs
avec habits de cérémonie
fanfreluches clinquantes
et tout en trompe-l’œil
alors que de partout
la vraie vie ruisselle et déborde.

© Georges Cathalo

 

un jour le peintre Degas
s’offrit un tableau du Greco
pour le suspendre à un clou
dans un coin de sa chambre
et tous les soirs immuablement
il ôtait son pantalon et ses habits
pour les suspendre à ce même clou
afin de recouvrir le tableau.

© Georges Cathalo

Chien aux écoliers


Les écoliers par jeu brisent la glace
dans un sentier
près du chemin de fer
on les a lourdement habillés
d’anciens lainages sombres
et ceinturés de cuirs fourbus
le chien qui les suit
n’a plus d’écuelle où manger tard
il est vieux
car il a leur âge.
 

Jean Follain, Territoires,
© Gallimard, 1953

 

Lavomatic

À la laverie automatique
parmi les gens
on ne sent plus sa différence
l’illustre lassitude se lit
sur les visages et dans les gestes
pour défroisser, plier
et empiler la panoplie
de l’homme quotidien
en proie à l’existence
                                                        
Seul dans son coin
au bout d’une laisse
un petit chien dont la queue bat
fait l’affaire du bonheur.

© Christophe Jubien
Demain est Un Jour d’Autrefois – Clapas, 2002

 

le cintre dans la penderie
bien parti pour vivre
cent mille ans

***

pieds nus dans le sable
plus de semelle entre moi
et moi

***

graine de tomate
collée sous ma chaussette
je m’avance dans l’hiver

Thierry Cazals
La volière vide – © L’iroli

Par une belle nuit
La lune eut une fille
Ronde, parfaite, dorée
Comme une petite galette.
― Où vais-je te mettre ?
Tu n’es pas prévue au ciel
Si tu restes là près de moi
Je vais avoir des ennuis
Avec ceux de la galaxie.
― Fais-moi une robe
Dit l’enfant lune
Une robe échancrée
À cinq encoches
Et autant de petites capuches
Comme les étoiles !
Ce qui fut dit, fut fait
Et la petite lune
Resta près de sa mère.

D’ici, on ne la voit guère
Mais on le sait :
L’amour n’est pas toujours visible !

Joëlle Brière
Petites fables taillées pointues
© La Renarde Rouge, 2014

au trou
dans ma chaussure se rajoute
l’eau de l’automne

***

la lame tranche
le fil de l’ourlet
solitude

***

une clef tordue
dans la poche
tout va bien

Vincent Delfosse
La volière vide – © L’iroli

 

Dérèglement climatique ?
Dans mon armoire ce matin
toutes les saisons

***

Visite de ma mère
Cinq fois devant le miroir
changé de robe

***

Avant l’atelier
essuyer mes chaussures
dans la rosée

© Isabel Asúnsolo

 

La chèvre et son tricot

  À Louane et sa Mamie

Cette année-là, une vieille chèvre
Se dit qu’il était temps de se mettre au tricot.
Elle allait, disait-elle, tricoter un cache-dos
Pour un petit chevreau
Attendu dans son troupeau.

Elle se rendit en ville
Acheta laine rouge, aiguilles numéro deux
Catalogue de modèles. Pour être plus sûre d’elle,
Elle passa chez l’opticien et changea de lunettes.
Et tous les soirs, après sa sieste, sur l’herbette
Elle s’appliqua : maille à l’envers, maille à l’endroit,

Augmentations et diminutions.
Son tricot tournait rond.

Le petit naquit. C’était une chevrette.
Poils luisants. Jolis sabots.
Où avait-elle appris le rodéo ?
On ne le sut guère !
Mais au premier saut, l’ouvrage de la grand-mère
Roula dans le ruisseau.

― Bah ! dit l’aïeule, retournons à nos mots croisés.
De nos jours, les enfants sont très mal élevés.

Joëlle Brière
Petites fables taillées pointues
© La Renarde Rouge, 2014

Pâquerette
En collerette,
Bouton d’or
En toque d’or,
Primevère
En gilet vert,
Par les jardins et les champs,
Fêtez, fêtez le printemps.

in 99 poèmes 9 contes 9 comptines choisis par Pomme d’Api
© Centurion Jeunesse, 1982

 

 

Défilé

L’oeil rit la bouche sourit
et les robes
traînent en douceur
le front blanc
frémissant
du calme dans son armure.

Valérie Huet
Dans le matin réfléchi de nos songes –  Éditions de l’Atlantique

La photo

Le vieux berger en paletot,
Pourquoi est-ce qu’il n’a pas souri
Quand tu as pris cette photo,
Pourquoi est-ce qu’il ne t’a rien dit ?

Dans la poche du paletot
Ses doigts jouent avec le couteau
Offert par son petit-garçon
Quand il est monté au hameau
Pour embrasser Papi-Mouton,
Ça va faire une année bientôt.

Dans les côtes du paletot
Son cœur des fois joue les idiots
Et quand ça fait vraiment trop mal,
Qu’il se sent pris dans un étau,
Inquiet il pense à l’hôpital
Que l’on voudrait fermer bientôt.

Dans le tissu du paletot
Ça sent les odeurs du troupeau,
Ça sent l’alpage, les étables,
Mais les brebis et les agneaux
Paraît que ce n’est plus rentable,
Qu’il faudra les vendre bientôt.

Le vieux berger en paletot
Qui n’a rien dit, n’a pas souri
Quand tu as pris cette photo,
Le vieux berger n’a pas envie
De n’être au bout de sa vie d’homme
Qu’une belle image dans ton album.

Claude Burneau
Par monts et par mots
© Soc et Foc, 1997

 

Étendoir

Sur l’étendoir,
un jour de grand soleil
dans ma tête,
j’ai voulu faire sécher,
parmi les chaussettes,
un tas de très vieilles larmes
roulées en boule.

Ça n’a jamais
marché…
Elles courent
toujours,

à la ronde,
les chagrins de traverse.

Morgan Riet
Vu de l’intérieur
© Donner à Voir, 2013

 

Le loup

Au fond du couloir
Le loup se prépare
Il met ses bottes noires…

Qui a peur du loup ?
Pas nous !…
Au fond du couloir
Le loup se prépare
Il prend son mouchoir…

Qui a peur du loup ?
Pas nous !…
Du fond du couloir
Le loup vient nous voir
À pas de loup noir…

Qui a peur du loup ?
C’est nous !…
Sauvons-nous !

Marie Tenaille
in 99 poèmes 9 contes 9 comptines choisis par Pomme d’Api
© Centurion Jeunesse, 1982

Tu dors
dans une turbulette

Un joli nom pour dire
le cocon où s’éveille
le bijou de tes mains.

Alain Boudet
Suite pour Nathan
© Corps Puce, 2006

Poches

   Pour Aziliz et Titouan

Dans les poches à Topa
Qu’est-ce qu’il y a ?
Qu’est-ce qu’il y a ?

Dans la poche droite
un couteau suisse
avec plein de lames
deux clous rouillés
et un double-mètre
un peu diminué

Dans la poche gauche
un mouchoir blanc
qui sent bon la lavande
un bout de papier
avec des mots griffonnés
une pomme de reinette
et une surprise
que j’attends
que j’attends

  Jean-Claude Touzeil
 
Un tour de plus
  © Donner à Voir, 2010

  Tous aux habits ?
Non, trois fois non !

Moi, quand on me parle de vêtements
Je ne pense pas aux survêts, non !
Je ne pense pas aux burkinis, non !
Je ne pense pas aux costumes trois pièces
Trois fois non !

Je pense, oui !
Je pense au conte d’Andersen
Où les courtisans
Font croire au roi qu’on lui met
De merveilleux habits
Alors qu’il n’a rien sur le dos !

Et c’est un enfant dans la foule,
Quand sort le roi,
Qui dit ce que tout le monde voit
Mais n’ose avouer :
« Le roi est nu ».

Je sais, moi, que sous les vêtements
La peau est nue
Et que c’est là
Que se trouve
Le secret de la tendresse.

Alors si je salue quelqu’un
J’enfile mes gants de peau
Et c’est ainsi que l’on échange
Nos sentiments les plus intimes.

© Jean Foucault

 

Pomme et poire
Dans l’armoire

Fraise et noix
Dans le bois

Sucre et pain
Dans ma main

Plume et colle
Dans l’école

Et le faiseur de bêtises
Bien au chaud dans ma chemise.

Luc Bérimont
in 99 poèmes 9 contes 9 comptines choisis par Pomme d’Api – © Centurion Jeunesse, 1982

Mon chapeau

Quand je mets mon chapeau gris
C’est pour aller sous la pluie.

Quand je mets mon chapeau vert
C’est que je suis en colère.

Quand je mets mon chapeau bleu
C’est que ça va déjà mieux.

Et je mets mon chapeau blanc
Quand je suis très content.

Henri Dès
in 99 poèmes 9 contes 9 comptines choisis par Pomme d’Api
© Centurion Jeunesse, 1982

Mère-grand

Mère-grand
Tricote en chantant ;
Avec la laine verte
Elle fait des chaussettes,
Avec la laine grise
Elle fait une chemise,
Avec la laine rouge
Elle fait un grand pull,
Avec toutes ses laines
Elle fait des mitaines.

in 99 poèmes 9 contes 9 comptines choisis par Pomme d’Api – © Centurion Jeunesse, 1982

Le pli

Souffle d’une roue voilée
Haleine de fin d’été
Sur les poignets arrimés
Au guidon étirant la lumière
Jusqu’aux bordures du travail achevé

Ainsi j’avance dépassant
Quelques piétons de septembre
Quand mon regard s’accroche
Au pli d’un pantalon comme
On se prend les pieds dans les pédales

Tissu beige rosé un peu passé
Tellement repassé qu’il offre
Un pli à l’avant et à l’arrière
Le vêtement a de la tenue
Sur la petite femme âgée qui
Assouplit la dureté du trottoir

Et cette émouvante symétrie
Me renvoie ma mère qui n’a porté
De pantalon que deux ou trois fois
Ca ne lui allait pas vraiment mais
Ce qui lui allait bien c’était
De vivre enfin librement
Pour un temps à peine surfilé

J’ai dépassé le pli avec
Accroché aux rayons un morceau
D’étoffe une image un manque
Aussi imprévisible
Qu’une couture qui lâche.

© Claire Kalfon

Dans le cercle de pierre
la course du soleil

ta robe inquiète
tourne
autour de mes paysages

*

Elle est ainsi
lingerie vivante déposée.
Elle n’habite plus la maison,
les murs le toit,

les tissus accumulés,
soie broderie dentelle,
le frottement de ses doigts.

Des fantômes de désir
la course de son corps

qu’elle ne regarde plus.

© Benjamin Hopin

Révélation


oiseau farceur
– je suis l’élu ! –
ta chiasse
fleur allégorique
orne mon veston
– parait que c’est
bon signe
je réussirai
dans ma vie
de chien.

© Hamid Tibouchi

Les pulls et les tricots

Elle aimait mes pulls et mes tricots

Je les trouvais trop chauds
Tandis qu’elle s’attachait
À leur douceur
À leur odeur…

Dès qu’ils étaient secs
Elle voulait coucher avec.

Pas fière…
Ça lui servait de litière
À ma chienne.

Michel Lautru
Autour de tout – Cotcodi n°63, 2003
 

Le jeans s’est accroché
à la ronce rancunière
La chaussure s’est ouverte
au coupant du caillou
Le blouson s’est déchiré
aux ongles des bagarres

Ce n’est pas ma faute dira l’enfant
que personne ne croira

Jacques Fournier
Marche le monde © Corps Puce, 2007

Les rites

Je te dis
Bonsoir cerise
Bonsoir pain d’épice
Dors bien mon sapin
À demain laitue
Sois sage écureuil à la crème
Et tu ris
Tu ris de toute ta bouche claire
Et j’entends ton cœur qui bat fort
Comme celui d’un faon qui court
Et tu m’embrasses
Et tu jettes tous les draps
Et tu tires mes tresses
Et tu me dis bonsoir à l’oreille
En trébuchant
Sur tes deux ans
Et ton pyjama

Denise Jallais
in Chaque enfant est un poème – (anthologie)
© Rue du monde, 2012

 

Je te donne pour ta fête
Un chapeau couleur noisette,
Un petit sac de satin
Pour le tenir à la main,
Un parasol en soie blanche
Avec des glands sur le manche,
Un habit doré sur tranche,
Des souliers couleur orange.
Ne les mets que le dimanche,
Un collier, des bijoux
Tiou !

  Max Jacob
in 99 poèmes 9 contes 9 comptines choisis par Pomme d’Api – © Centurion Jeunesse, 1982

 

Ma vieille godasse

Clop pfuit clop pfaff clop clop pfuitt…
Elle y va de ses petits bruits,
Elle grimace, gueule ouverte largement,
Révélant ses vilaines dents,
Ses dents rouillées, cariées, noires,
Mal plantées dans ses mâchoires.

On dirait qu’elle se prend
Pour un jeune caïman
Ou un poisson flasque qui nage
Dans l’eau tombée des nuages.

Vieille chaussure éculée,
Avec toi je vagabonde
À travers mon petit monde
Par les rues ensoleillées.

Julius Chingono
in Chaque enfant est un poème – (anthologie)
© Rue du monde, 2012

 

Le fer à repasser

Assez assez j’en ai assez
gémit le fer à repasser

j’en ai assez d’aller et venir
sur ma planche sans avenir

j’en ai assez de souffler
toujours le chaud et le mouillé

sur les maillots les pantalons
les corsages et les jupons

les blouses me donnent le blues
quand il faut les presser par douze

et les mouchoirs sont ma terreur
soupire encor le fer-vapeur

Assez assez j’en ai assez
gémit le fer à repasser

Joël Sadeler
Le chat de 20h32 et quelques poèmes
© Lo Païs, 1997

 

Casque

Pour être un champion, moi j’ai tout compris.
Il faut deux bâtons, un joli blouson,
une paire de skis.
Et sous un beau casque,
ma tête à l’abri,
je dévale à fond
la piste aux oursons.

Pascale Albert
Montagne trop chouette
© Soc et Foc, 2005

 
Je me suis promenée avec un corsaire
sur les remparts de Saint-Malo

Mon corsaire revenait de guerre sur la mer
il avait démonté son sabre
dévissé sa jambe de bois
roulé le bandeau noir qui cachait son œil gauche
il avait mis ça dans son coffre
avec sa longue vue et ses cris d’abordage.

Et il avait enfilé son jean et ses baskets
son tee-shirt et ses lunettes
pour se promener avec moi sur les remparts
de Saint-Malo.

Luce Guilbaud
La petite feuille aux yeux bleus
© le dé bleu, 1998

 

Complet blanc

Je me promène sur le pont dans mon complet blanc acheté à Dakar
Aux pieds j’ai mes espadrilles achetées à Villa Garcia
Je tiens à la main mon bonnet basque rapporté de Biarritz
Mes poches sont pleines de Caporal Ordinaire
De temps en temps je flaire mon étui en bois de Russie
Je fais sonner des sous dans ma poche et une livre sterling en or
J’ai mon gros mouchoir calabrais et des allumettes de cire de ces grosses que l’on ne trouve qu’à Londres
Je suis propre lavé frotté plus que le pont
Heureux comme un roi
Riche comme un milliardaire
Libre comme un homme

Blaise Cendrars
in Le français est un poème qui voyage (Anthologie)
© Rue du monde, 2006

 

Vêtement d’automne

En habit d’automne
Je viens éclairer
La ville et les gens.

J’arrive au mileu
D’une foule folle.
Mon vêtement en or
Brille sur l’océan,
Océan de mains.

En habit de feuilles,
Feuilles de tilleul,
J’apaise les peurs.

Je suis un poème,
Doux pour le regard.

Qui voudra venir
Se vêtir de l’or
Apaisant des feuilles ?

© Christine Guénanten

 

Un petit caillou

J’ai trouvé un caillou pas plus beau,
pas plus rond que les autres.
Je ne l’ai jeté sur personne.
Je n’ai pas fait de ricochets.
Je l’ai caché dans la poche de ma chemise.

Lorsque je l’ai retiré,
j’ai vu qu’il avait deux taches,
comme des yeux, et un creux,
pareil à une bouche.
Il m’a dit, d’une petite voix pierreuse :
« Peux-tu me remettre contre ton cœur ?
J’aime tellement l’écouter. »

Carl Norac
Petits poèmes pour passer le temps
© Didier Jeunesse, 2008

J’ai dans la poche
un ruban
trois billes
et

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