Thierry Cazals – Visage de la neige

Thierry Cazals – Visage de la neige

Né en décembre 1962, dans la lumière du Gard, Thierry CAZALS est attiré très tôt par le mystère de l’origine de la vie et l’art. Il l’exprime d’abord sans l’aide des mots : dessin, musique, cinéma super 8 muet… Après un doctorat de sociologie et un détour par le 7e art comme journaliste aux Cahiers du cinéma, puis scénariste, c’est la découverte du haïku japonais qui est le déclic de son aventure d’écrivain. Il a publié depuis une vingtaine de livres pour les enfants et les adultes. Outre son métier d’écrivain, Thierry Cazals anime depuis 20 ans des ateliers d’écriture poétique pour enfants et adultes aux quatre coins de France.

Portrait de Thierry Cazals
Recueil Visage de la neigede Thierry Cazals

« Celui qui a ce visage de la neige est un nourrisson. Son père, le poète, l’apprivoise. Le découvre. Comme tout papa.
Seulement lui, il l’écrit. Et l’exercice est difficile. Et réussi. On avance dans ce livre avec beaucoup de silence. De tendresse. Les mots nous renvoient à notre propre expérience, découverte de la paternité… C’est juste. C’est limpide. Plein de respect, d’étonnement. Avec le poète, on essaie de comprendre qui est là ? Dans ce petit corps tout neuf… Un livre à offrir à tous les nouveaux parents et aux anciens bien sûr. »

(Patrick Joquel)

Voici quelques extraits

tête de belette
face de piaf
blair de blaireau
mine d’hermine
moue de hibou
trogne de cigogne
grimace de limace
bouille de papillon

à toi
tout seul

tu es une véritable
arche de Noé

ta petite main qui plonge

ahurie

dans le miel vaporeux et serein
d’un rayon de soleil

en sait plus
que tous les dictionnaires

hop ! tu bois
la lumière perchée sur tes doigts

eh dis moi donc
c’est quel goût qu’ils ont
(salé ? poivré ? sucré ?)

les rayons du soleil ?

tu m’enseignes
à ne prendre au sérieux

que les dérapages
les éclaboussures

les brouillons éblouissants

de la vie
non préméditée

je
me cache parfois
derrière le grand paravent
pour te regarder dormir

tu ne bouges pas d’un pouce
feins d’être surpris
en plein sommeil

alors qu’en fait, depuis le début
c’est toi
et toi seul

qui fixes le lieu et l’heure
de tous nos rendez-vous

l’ombre sans poids du papillon
sur la dalle de grès rose

le charivari des merles
dans le ventre du magnolia

les zigzags des fourmis
trimbalant graines et brindilles

tu ne connais pas d’autre joie
que celle de vivre

à hauteur de monde

(ni au-dessus, ni à côté, ni au-delà)

dans ta rue, il y a
des passants, des pastèques
des flic-floc dans les flaques
des cagettes d’igname et de manioc
des bazars turcs
des coiffeurs pakistanais
des tailleurs juifs
deux joueurs de go poussant leurs pions
sur la nappe en papier
d’un restaurant chinois


ton corps
est prêt à tout accueillir


tout


à quoi bon dresser des murailles
pour séparer les différentes couleurs
du vent ?

nous irons
par des sentiers sauvages


enjamberons les barrières,
les ornières du déjà vu


ricocherons de forêt en forêt
emportés par une farandole
de chênes centenaires


écraserons entre nos doigts
le thym des garrigues
d’où jaillira
un alphabet de feu


grimperons
sur la tête des coquelicots
pour tirer la barbichette aux nuages


le premier qui rira
sera toujours toi

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